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SAMUDRA Report

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0973-113X
- :
mars
- :
2007
Mais toute cette beauté éclatante pâlit avec l’apparition, juste au-dessus de notre étrave, de la pleine lune, plus vaste et plus claire que je ne l’avais jamais vue....... — Extrait de Marcher sur l’eau : quatre jours sur l’horizon à bord d’une jangada, de Patrick Hefferman
Analyse
Écolabels
Ouverture, transparence, pas d’exclusions
Dans les pays en développement, la pêche, surtout à petite échelle, reste en marge du système de certification du MSC
Cet article, écrit par Stefano Ponte (spo@diis.dk), directeur de recherche à l’Institut danois d’études internationales, est tiré d’un document de travail publié par le Trade Law Centre for Southern Africa
Protéger le consommateur de produits alimentaires douteux, protéger l’environnement de la surexploitation et de la pollution, protéger les travailleurs et les producteurs contre des pratiques injustes en matière de travail et de relations commerciales, voilà autant d’objectifs qui doivent retenir l’attention des responsables du développement et les inciter à agir, en instaurant notamment des normes facultatives et des codes de conduite. Il faut que les principes abstraits aient leur application dans des situations concrètes, ce qui produira des effets variés suivant les caractéristiques locales et les moyens dont disposent tel ou tel pays, les groupes et les individus. Ce qui peut être une bonne idée pour les groupements de consommateurs ou un service public dans un pays du Nord peut s’avérer bien moins intéressant pour des producteurs d’un pays du...
Analyse
Écolabels
Ouverture, transparence, pas d’exclusions
Dans les pays en développement, la pêche, surtout à petite échelle, reste en marge du système de certification du MSC
Cet article, écrit par Stefano Ponte (spo@diis.dk), directeur de recherche à l’Institut danois d’études internationales, est tiré d’un document de travail publié par le Trade Law Centre for Southern Africa
Protéger le consommateur de produits alimentaires douteux, protéger l’environnement de la surexploitation et de la pollution, protéger les travailleurs et les producteurs contre des pratiques injustes en matière de travail et de relations commerciales, voilà autant d’objectifs qui doivent retenir l’attention des responsables du développement et les inciter à agir, en instaurant notamment des normes facultatives et des codes de conduite. Il faut que les principes abstraits aient leur application dans des situations concrètes, ce qui produira des effets variés suivant les caractéristiques locales et les moyens dont disposent tel ou tel pays, les groupes et les individus. Ce qui peut être une bonne idée pour les groupements de consommateurs ou un service public dans un pays du Nord peut s’avérer bien moins intéressant pour des producteurs d’un pays du Sud, alors que l’idée de départ dans les pays du Nord était précisément de préserver les intérêts des dits producteurs.
La sécurité sanitaire des produits, les normes environnementales et sociales sont devenues des éléments clés dans le commerce agroalimentaire. Les organisations internationales, les agences gouvernementales, les associations professionnelles, les organisations non gouvernementales qui ont participé à l’élaboration de ces normes répugnaient au début à jeter un regard critique sur leurs répercussions dans les différents contextes. Si l’on exprimait des réserves sur ces initiatives, on pouvait être qualifié de réactionnaire, de vouloir jeter le discrédit sur ce type d’initiative. Récemment les esprits se sont ouverts dans le sens d’une meilleure compréhension des contradictions, des limites, des effets variés de ces normes suivant le lieu. Au début sur la défensive, ces organisations et Ong s’orientent maintenant vers un dialogue plus constructif. Ils essaient d’intégrer davantage d’aspects (parfois pour cause de relations publiques) et de réfléchir à la façon dont se déroulent les choses afin d’améliorer le contenu du suivi et la gestion de leurs normes. Autrement dit, ils essayent d’ajuster au mieux leurs systèmes de gestion. Tout cela signifie que les processus d’élaboration des normes, les structures gestionnaires, les indicateurs, le suivi, le système de vérification et de gestion se sont nettement affinés par rapport à il y a une dizaine d’années. Mais il est un point sur lequel les choses n’ont guère évolué jusqu’à présent, à savoir que l’on oublie que les normes sont élaborées et appliquées dans des contextes économiques et politiques bien particuliers, dans des situations marquées par des rapports de force complexes, des conditions locales et politiques extrêmement diverses. Il semble donc qu’en focalisant l’attention sur la gestion des systèmes, on s’intéresse de moins en moins aux répercussions politico-économiques de ces normes.
Une bonne partie du travail visant à améliorer les écolabels repose sur les principes de la non-discrimination et de l’égalité des chances. Avec cette ligne de conduite, explicitement adoptée par le Marine Stewardship Council, si le système a été élaboré ouvertement, s’il est appliqué dans la transparence, les normes permettent aux parties engagées dans les arrangements de procéder en connaissance de cause. Là où apparaissent clairement des désavantages pour certains pays, groupes ou individus, on fournit une assistance technique et plus de moyens pour améliorer les capacités d’agir, ou on suggère tout simplement des solutions appropriées.
Les petits opérateurs
L’un des arguments mis en avant par les associations écologistes pour défendre leurs normes et leurs codes de conduite est de dire que cela permet une certaine égalité entre tous les acteurs de la filière, et qu’une discrimination positive en faveur des petits opérateurs mettrait en cause leur crédibilité. Il semble pourtant que le FSC (Conseil pour la bonne gestion des forêts) a prévu des dispositions spéciales pour la certification de forêts communautaires.
Faciliter l’accès à des projets spéciaux pour la certification de pêcheries artisanales, développer les contacts, organiser des ateliers en Afrique ou en Asie du Sud, tout cela ne suffit pas à rendre les pêcheries artisanales plus aptes à obtenir une certification MSC. Dans les pêches de capture, le MSC est le seul opérateur extérieur en matière d’écoétiquetage. Il a donc sa part de responsabilité dans l’incapacité des pêcheries des pays en développement en général, et de leurs pêcheries artisanales en particulier, à obtenir une certification. On note un petit nombre d’exceptions dans des pays à revenus moyens supérieurs : merlu d’Afrique du Sud, langouste mexicaine Baja california, pétoncle de Patagonie ont la certification MSC ; et la sardine du golfe de Californie (Mexique) et le merlu chilien sont actuellement en cours d’évaluation.
Faut-il conclure que le MSC est « mauvais » et qu’il faut s’en débarrasser ? Non. Disons seulement qu’une organisation qui se définit elle-même comme ouverte, transparente, non exclusive devrait effectivement se conduire de cette façon. Depuis le début, dans la revue Samudra, on a assisté à un débat souvent passionné sur la gouvernance du MSC. Pour une raison ou une autre, ce débat s’est quasiment éteint de lui-même après 2002, avec cependant une petite reprise en 2004. La plupart estiment sans doute, à juste titre, que le fonctionnement du MSC, ses procédures et sa couverture du marché ont connu une nette amélioration au cours des années 2000.
Est-ce que cela va suffire ? Non. On ne s’est pas suffisamment intéressé à des « pêcheries durables » qui, dans des pays en développement, ne peuvent parvenir à obtenir une certification. Cela est particulièrement vrai pour la petite pêche dans les pays les moins développés. Il ne suffit pas de mettre quelque flexibilité particulière dans la façon d’interpréter des lignes directrices en matière de certification. Dans les pays en développement, les difficultés pour obtenir un label MSC sont multiples : faiblesse institutionnelle (manque de savoir-faire), coût financier de l’opération... De nombreux projets et fonds divers ont été lancés par le MSC ou avec son soutien. Il faut s’en réjouir, mais compte tenu du volume de ces fonds et de la portée des projets envisagés, il n’est pas certain que cela aidera un grand nombre de pêcheries à parvenir jusqu’à l’obtention d’une certification. Par exemple, le Fonds pour une pêche durable ne peut accorder que des subventions limitées « pour permettre une plus large participation des parties concernées aux opérations d’évaluation... Il n’est pas prévu pour soutenir de gros projets de recherche » (Revue Samudra, nº 32, juillet 2002, Le Fonds pour une pêche durable).
Trois composantes
Le coût d’une certification MSC pour les demandeurs se répartit entre trois éléments principaux :1) l’évaluation préalable, 2) l’évaluation de la pêcherie, 3) les audits annuels. Le coût de l’évaluation préalable peut aller de quelques milliers de dollars à plus de 20 000 dollars. Le coût direct d’une évaluation complète varie entre moins de 35 000 dollars pour une petite pêcherie simple et près de 305 000 dollars pour une grande pêcherie complexe. Le coût global pour obtenir une certification dépend de la nature des problèmes rencontrés au cours de l’évaluation et des mesures correctives qui s’imposent.
Par ailleurs, comme le note le dernier article paru dans la revue Samudra (nº 38, juillet 2004, Modifier principes et critères) à propos du MSC, les arrangements financiers concernant le processus de certification sont définis librement entre le client et l’organisme certificateur. Ce même article demande au MSC de servir d’intermédiaire dans ces négociations, ce qui permettrait d’obtenir des prix de faveur et des facilités de paiement pour certaines pêcheries. Il réclame également un réexamen des principes et critères en y apportant des amendements pour tenir compte notamment des petites pêcheries de pays en développement ou en prévoyant un ensemble de principes et de critères séparés pour ce type de pêcheries. Deux ans plus tard, ces recommandations sont restées sans réponse.
On accordera au MSC qu’il admet désormais que ses normes et procédures de certification ne sont pas adaptées aux réalités de la pêche dans les pays en développement (pêche à petite échelle et absence de données...). Il s’est doté d’un Programme des pêches spécial à l’intention des pays en développement afin d’y mieux faire connaître ses objectifs et d’élaborer des directives pour l’évaluation des petites pêcheries mal documentées.
Il semble évident qu’on a conseillé au MSC d’adopter une approche différente pour mettre en oeuvre des systèmes de vérification de la conformité appropriés afin de tenir compte des besoins et contraintes des pays en développement et de la petite pêche. Parmi ces suggestions, il y avait l’élaboration d’indicateurs spécifiques pertinents pour les pays en développement et le recours à l’analyse du hasard (une menace spécifique sur la durabilité provoquée par la pratique) lorsque l’analyse du risque (la probabilité calculée de l’impact négatif d’une pratique) s’avère impossible, impraticable ou trop coûteuse.
Par ailleurs, et malheureusement, il semble que la discrimination en faveur de la petite pêche aille à l’encontre des Directives FAO pour l’étiquetage écologique du poisson et autres produits des pêches de capture maritimes. Elles doivent prévoir des procédures de vérification et d’audit indépendantes et fiables, assurer la clarté dans la fixation des normes et l’obligation de rendre compte, être fondées sur les meilleures preuves scientifiques disponibles. En s’inspirant du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO, elles précisent aussi les conditions minimales requises et les critères établis pour déterminer si un label écologique peut être attribué à une pêcherie. Malheureusement pour la pêche artisanale des pays en développement, la transparence et l’ouverture à tous dans l’élaboration des normes n’ont pas d’effet rétroactif. Et, au lieu de suggérer des normes spéciales et des systèmes de vérification particuliers pour les pays en développement, les directives de la FAO parlent seulement de « appui financier et technique ». Il faut changer cela.
Dans une autre étude destinée au TRALAC (Centre de droit commercial pour l’Afrique australe), j’ai analysé le processus de certification du merlu d’Afrique du Sud, en me fondant sur un important travail de terrain dans le pays et sur une évaluation générale du MSC (Ecolabels et commerce du poisson : la certification du Marine Stewardship Council et la filière du merlu en Afrique du Sud, voir http://www.tralac.org/ scripts/content.php?id=5212). J’ai souligné que l’écoétiquetage n’est pas uniquement une affaire de science et de gestion : c’est aussi de la politique. Je n’ai pas dit que le MSC faisait de la politique mais que, pour bien comprendre « les réalités » de l’écoétiquetage, on doit se rendre compte que certains groupes d’intérêts cherchent à jouer de la certification dans un but très intéressé et qu’ils n’ont pas nécessairement en vue l’amélioration des pêcheries et de l’environnement. J’ai aussi noté quelques problèmes posés par la définition que propose le MSC pour « unité de certification ». A mon avis, il faut revoir ça. Je résume ici un certain nombre de conclusions.
Le processus d’évaluation
La certification MSC accordée au merlu de chalutier de l’Afrique du Sud est le résultat d’un processus d’évaluation qui a duré près de deux ans. Cela a commencé par une demande préparée par la SADSTIA (Association des chalutiers hauturiers d’Afrique du Sud), l’organisme représentatif de la plupart des entreprises qui pêchent le merlu au chalut dans ce pays.
Cela permet de comprendre les motifs qui ont poussé à faire la demande de certification auprès du MSC. Au sein de la SADSTIA, ceux qui ont entamé cette démarche étaient de grosses sociétés qui avaient alors intérêt à défendre leur quota pour qu’il ne soit pas diminué au profit d’autres sociétés de chalutage ou des palangriers. Avec la fin de l’apartheid, il était en effet question de “transformer” la flottille chalutière qui ciblait le merlu. Le processus de certification a coûté 100 000 dollars en frais directs aux opérateurs concernés, plus entre 100 000 et 200 000 dollars pour remplir les conditions à moyen terme.
L’évaluation menée par l’organisme certificateur a fait apparaître un résultat assez élevé pour le premier des trois principes MSC de la gestion du stock (88 points sur 100, la note d’admission étant de 80). Les opérateurs s’attendaient à cela car en Afrique du Sud on surveille depuis relativement longtemps l’état de la ressource. Pour le second principe (l’impact des pratiques de pêche sur l’écosystème), les pêcheries de merlu sud-africaines ont passé tout juste, avec 80 points. Des insuffisances ont été relevées dans quatre domaines : 1) gestion des prises accessoires, 2) relations avec l’écosystème, 3) les effets du chalutage sur le milieu benthique, 4) les effets du chalutage sur les populations d’oiseaux marins. Pour le principe 3 (système de gestion de la pêcherie), la note a été relativement élevée : 88 points.
Dans mon document de travail, j’ai souligné que la certification MSC accordée à la filière du merlu sud-africain soulève au moins deux problèmes. Premièrement, les chalutiers bénéficient de cette certification, pas les palangriers, alors que ces deux flottilles exploitent le même stock. Deuxièmement, certains pensent que le stock concerné serait commun avec celui de la Namibie, lequel n’a pas de certification. Je sais que la définition MSC de « l’unité de certification » permet d’attribuer une certification à une partie des opérateurs et pas à une autre même s’ils exploitent le même stock. En ayant recours à une définition inappropriée, on peut certes disposer d’une échappatoire technique, mais cela ne suffit pas pour assurer la durabilité d’une pêcherie.
Les bateaux travaillant à la palangre (ou à la ligne à main) n’ont pas été certifiés. Ils ne sont peut-être pas assez organisés pour que leurs intérêts soient bien représentés et qu’un système de gestion soit bien respecté. Ou bien ils représentent une menace potentielle pour l’oligopole en place. La situation ainsi créée est paradoxale : la flottille chalutière rime avec pêche durable tandis que la flottille nettement plus restreinte des palangriers ne mérite pas la certification alors qu’elle opère sur le même stock et que ce stock commun est déclaré « géré de façon durable » !
D’autre part, comme la façon de procéder du MSC est de diviser les pêcheries en « unités de gestion », même si elles exploitent le même stock, le merlu sud-africain a pu bénéficier d’une certification tandis que le merlu namibien n’y a pas eu droit alors que, pour beaucoup, il s’agirait d’un seul et même stock.
Une stricte interprétation de « la gestion durable des stocks » conduirait à penser que la pêcherie de merlu sud-africaine ne peut être « durable » si la pêcherie namibienne de merlu n’est pas comme elle certifiée. Du côté namibien, on n’a peut-être pas souhaité participer au processus de certification, ou bien n’a-t-on pas été invité à le faire. L’équipe certificatrice a donc déclaré : « Bien qu’il se produira inévitablement des mélanges [entre le stock sud-africain et le stock namibien], on peut considérer que, du point de vue de la gestion de la pêche, les populations de merlu de l’Afrique du Sud sont un stock distinct. » On peut se demander si cette façon de concevoir la gestion de la pêche permettra de renforcer la durabilité des pêcheries, qui est pourtant l’un des principaux objectifs du MSC !
Les doutes sont permis, à en croire certains rapports récents laissant entendre que le stock de merlu est en danger, que les niveaux de capture sont à un niveau bas par rapport au passé (Southern Africa Fishing Industry News, juin 2006, p. 10 ; Mail & Guardian, 30 juin 2006). Le merlu sud-africain va-t-il subir le même sort que le hoki de Nouvelle-Zélande ? Notons que ces deux pêcheries ont obtenu la certification MSC.
En 2005, la filière du merlu sud-africain a été soumise à une première surveillance par l’équipe certificatrice, ce qui a donné lieu à un rapport publié en mai 2005 et qui examine l’évolution de la situation depuis la date de certification. Les conclusions globales étaient positives et elles recommandaient le maintien de la certification malgré un certain nombre de problèmes (pour plus de détails, voir mon document de travail). Jusqu’à présent, aucune pêcherie certifiée par le MSC n’a été par la suite disqualifiée. Cela traduit-il « le poids de l’Histoire », ou bien est-ce le signe d’une meilleure gestion ?
En Afrique du Sud, les observateurs du monde de la pêche ont fait remarquer que, à l’allure où les scientifiques et les gestionnaires quittent le MCM (Marine and Coastal Management), cet organisme chargé de gérer ce secteur ne disposera plus des ressources humaines indispensables pour suivre l’utilisation des quotas et agir en cas d’abus.
Entre 1996 et 2005, trente-cinq spécialistes sont partis ; en janvier 2005, deux des principaux personnages du MCM ont démissionné. D’après certaines sources dans les milieux professionnels, la façon dont est gérée cet organisme de régulation traduit une méconnaissance profonde des problèmes de répartition de la ressource.
Après la répartition de 2006, qui attribuait pour la première fois des quotas d’une durée de quinze ans (au lieu d’un an ou, plus récemment, de cinq ans), le respect des règles par les opérateurs sera probablement moindre. Il est prévu un réexamen de la répartition tous les deux ou trois ans afin d’estimer dans quelle mesure les conditions d’attribution des ressources sont respectées. Or, l’organisme officiel de régulation n’a pas à l’heure actuelle les moyens de remplir cette mission. Quel que soit le sort de la certification MSC en Afrique du Sud, il faut souligner que ceux qui ont été à l’origine de cette initiative sont parvenus à deux autres résultats.
Premièrement, les palangriers n’ont pas obtenu une part plus importante du TAC (total admissible de captures) de merlu en 2006. Deuxièmement, et cela est encore plus significatif, l’organisme régulateur a, dans sa politique qui a inspiré l’attribution de droits de pêche de quinze ans en 2006, officiellement fait sienne l’opinion selon laquelle moins il y aura d’opérateurs, mieux ce sera pour la préservation de la ressource. Il n’y a pas eu de nouveaux entrants, faute d’attribution de quotas, et certains petits quotas n’ont pas été renouvelés.
Bien que certaines grosses sociétés aient perdu une parcelle de leurs quotas (pour l’un des principaux opérateurs, une part relativement importante), l’attribution de droits de longue durée va vraisemblablement créer un marché secondaire des quotas.
A moyen terme, cela pourrait se traduire par une concentration accrue dans le secteur de la pêche (pour plus d’informations sur la répartition des droits sur le merlu en 2006 en Afrique du Sud, voir Stefano Ponte et Lance van Sittert, La chimère de la redistribution, document de travail DIIS 2006 : 32, disponible sur www.diis.dk/sw29692.asp).
Derrière la rhétorique
Loin d’être un simple instrument indépendant et équitable visant à préserver la ressource pour le bien de l’Humanité, la certification MSC s’effectue dans un contexte de concurrences mondiales et locales, de conflits d’intérêts, de rapports de force politiques. En Afrique du Sud, sous la rhétorique de protection de la ressource, le MSC est devenu l’un des instruments utilisés pour justifier certaines positions dans des débats relatifs aux relations interraciales et aux tentatives de correction des injustices du temps de l’apartheid. Il a servi à contrecarrer la redistribution des quotas impliquant une réduction de la part des principaux détenteurs actuels (essentiellement Blancs) au profit de nouveaux entrants (plus modestes et Noirs) qui auraient pu se lancer dans la pêche au large du merlu. Le MSC a aussi servi à contrecarrer la redistribution du quota impliquant une réduction de la part de la grosse flottille de chalutiers hauturiers (contrôlée essentiellement par des Blancs) au profit des palangriers (appartenant surtout à des Noirs). Les rapports de force locaux et l’économie politique de la préservation des ressources halieutiques se mêlent aux processus de certification de « la durabilité ».
Dans le système MSC, les pêcheries des pays en développement et les petites pêcheries en particulier ont été marginalisées. A ce jour, seules trois pêcheries en Afrique du Sud, en Argentine et au Mexique ont obtenu une certification. Produire « de la durabilité », sans frais supplémentaires et en grande quantité, cela impose des normes sévères en termes de respect du système de gestion, mais en fait assez accessibles quant aux seuils des indicateurs de durabilité. Les barrières placées à l’entrée de « la durabilité » exigent des économies d’échelle et un champ d’action nécessitant des capacités gestionnaires adéquates, un accès aux réseaux. Les objectifs gestionnaires et systémiques sont plus difficiles à atteindre pour les acteurs des pays en développement. Cela crée un déséquilibre en faveur des participants les mieux équipés à tous points de vue.