Risques naturels / CYCLONES
Une tempête parfaite ?
Après le cyclone Hudhud, des questions concernant la planification urbaine pour parer au danger
Cet article a été écrit par Venkatesh Salagrama (vsalagrama@gmail.com), Membre de l’ICSF, et Arjilli Dasu (fisherfolkfoundation@gmail.com)
En revenant sur le cyclone Hudhud un mois après qu’il a frappé la côte de Visakhapatnam, dans l’État d’Andhra Pradesh sur le Golfe du Bengale, on s’aperçoit de deux choses. Premièrement, dans ce cyclone, il n’y avait pratiquement que du vent, dépassant les 200 km/heure, avec très peu de pluie. Et encore plus important, il n’y avait pas d’onde de tempête accompagnant son arrivée, car c’était un cyclone sec. Si cela avait été le cas, les conséquences auraient été particulièrement dramatiques. La seconde caractéristique frappante d’Hudhud peut se résumer en un mot : la précision. Elle est ici de deux sortes. La première relève de la précision chirurgicale, de la rapidité brutale de la progression. Le cyclone a suivi sa course, dans un exemple parfait de « choc et stupeur ». Aucun des signes habituels de la tempête qui approche : des jours de ciel nuageux, le vent qui prend lentement de la vitesse, le crachin qui devient un torrent de...
Risques naturels / CYCLONES
Une tempête parfaite ?
Après le cyclone Hudhud, des questions concernant la planification urbaine pour parer au danger
Cet article a été écrit par Venkatesh Salagrama (vsalagrama@gmail.com), Membre de l’ICSF, et Arjilli Dasu (fisherfolkfoundation@gmail.com)
En revenant sur le cyclone Hudhud un mois après qu’il a frappé la côte de Visakhapatnam, dans l’État d’Andhra Pradesh sur le Golfe du Bengale, on s’aperçoit de deux choses. Premièrement, dans ce cyclone, il n’y avait pratiquement que du vent, dépassant les 200 km/heure, avec très peu de pluie. Et encore plus important, il n’y avait pas d’onde de tempête accompagnant son arrivée, car c’était un cyclone sec. Si cela avait été le cas, les conséquences auraient été particulièrement dramatiques. La seconde caractéristique frappante d’Hudhud peut se résumer en un mot : la précision. Elle est ici de deux sortes. La première relève de la précision chirurgicale, de la rapidité brutale de la progression. Le cyclone a suivi sa course, dans un exemple parfait de « choc et stupeur ». Aucun des signes habituels de la tempête qui approche : des jours de ciel nuageux, le vent qui prend lentement de la vitesse, le crachin qui devient un torrent de pluie… Le cyclone est tout simplement arrivé au moment précis où il était prévu ; il est passé sur la côte, a causé ses dégâts puis s’est promptement effacé.
Il y avait aussi de la précision technologique dans cet évènement, signe que les météorologistes ont récemment fait des progrès. Le cyclone avait bien été repéré dans le Golfe de Bengale près d’une semaine avant qu’il ne puisse faire des ravages ; et sa trajectoire avait été définie avec une remarquable précision. Près de trois jours avant qu’il ne frappe, le moment et le lieu exact de son arrivée étaient largement connus.
Et c’est là le paradoxe : ce degré de précision a pris par surprise une population qui n’était pas du tout préparée. Habituée qu’elle est aux errements des prédictions météorologiques, elle n’a pas pris au pied de la lettre les annonces qui étaient faites.
On ne dit pas que l’apathie prédominait. Au cours des années passées, il y a eu quelques alertes aux cyclones, qui se sont avérées fausses, mais auparavant les gens ont été exposés pendant des jours aux déclarations stridentes d’experts mettant en garde contre « la mère de tous les cyclones ». Quand un cyclone est finalement passé sans produire une énorme hécatombe, ni des dégâts énormes (comme cela avait été le cas les dernières fois), il y avait comme de la déception dans l’air.
L’évacuation de toutes les personnes vulnérables vers des lieux plus élevés ordonnée par les autorités avant Hudhud a aussi soulevé quelques nouveaux problèmes. Les gens s’inquiétaient pour la sécurité de la maison et du foyer, protestaient contre les conditions déplorables dans les abris, contre l’apathie de l’Administration.
Les mesures prises par les pouvoirs publics au fil des années ont certainement contribué à réduire le nombre de morts provoquées par des catastrophes naturelles. Mais ils continuent à privilégier le sauvetage des vies humaines à l’exclusion de tout le reste, ce qui ne leur vaut pas que des admirateurs. Tout cela a fait que la population n’était pas disposée à réagir aussitôt aux alertes concernant Hudhud.
Un regard rapide aux dégâts qu’il a laissés derrière lui fait apparaître des faits intéressants et révélateurs. Quarante-six personnes ont perdu la vie. C’est tragique, mais moins important que dans des cas précédents ; et il faut assurément mettre cela largement au crédit du gouvernement et des efforts accomplis dans ce domaine. Les destructions subies par les infrastructures sur la côte ont été énormes, surtout pour l’électricité. Biens privés et biens publics ont beaucoup souffert, mais les dégâts sur les infrastructures publiques (y compris l’aéroport haut de gamme de Visakhapanam) ont été nettement plus surprenants et choquants.
Selon les comptes-rendus, 70 % du système de distribution électrique a été perturbé à Visakhapanam, et les dégâts dans des entreprises publiques comme Vizag Steel et Hindustan Petroleum se chiffrent en millions de roupies. Les autorités disent avoir rétabli l’électricité et d’autres services en un temps record. Mais si on avait construit en tenant compte des risques naturels, bien des dégâts auraient été évités.
Dans les villages du littoral, la plupart des maisons au toit de chaume et des habitations semi-permanentes ont été endommagées. Curieusement, les cabanes traditionnelles couvertes d’une toiture conique faite de palmier rônier ont mieux résisté au vent que les autres constructions, bien qu’étant tout près de la mer. Ceci dit, les plus touchés ont quand même été les plus pauvres qui habitaient dans des cases de chaume.
Le cyclone Hudhud a transformé le paysage incroyablement verdoyant de Visakhapanam en un espace dénudé, dépourvu de toute verdure. L’écorce des arbres a été arrachée, des plantations entières d’anacardiers ont pris une couleur marron fantomatique. Maintenant, un mois après le cyclone, on observe le retour d’un peu de verdure.
Les dégâts subis par les bateaux de pêche du secteur n’ont pas été vraiment importants. L’économie des pêches semble avoir survécu sans trop de casse : elle est blessée sans doute mais pas paralysée. Dans plusieurs villages où il y aurait eu beaucoup de dégâts, les pêcheurs ont repris leurs opérations quelques semaines après le cyclone, malgré le fait que l’indemnisation promise n’ait pas encore été transférée sur leur compte. Les pertes encourues par le petit commerce du poisson (qui est surtout l’affaire des femmes) étaient réelles mais relativement limitées. Et les femmes ont recommencé à vendre peu de temps après la reprise de la pêche.
Pour les activités de pêche, les pertes sont donc restées modérées ; pour le reste, c’était plus important. Ainsi, la destruction des plantations d’anacardiers, que les pêcheurs louent à l’année pour avoir une deuxième source de revenu convenable avec la noix de cajou, a forcément affecté leurs moyens d’existence.
Les dégâts aux habitations des pêcheurs ont été plus importants. Des dizaines de familles avec de jeunes enfants ont dû trouver refuge dans le voisinage. Beaucoup ont perdu leurs ustensiles de cuisine, des meubles, des postes de télévision, ce qui a rendu le quotidien plus difficile. La distribution d’eau et d’électricité a été perturbée, et la situation d’avant n’a pas été rétablie.
Le gouvernement et la société civile ont fourni du riz, des vêtements et autres produits essentiels pour quelques semaines. Mais on a dit que cette aide a été plutôt maigre et sporadique. La population touchée s’est malgré tout débrouillée remarquablement bien, surtout grâce au partage communautaire des ressources.
Ce cyclone a fait ressortir les lacunes des stratégies gouvernementales de réaction aux catastrophes. L’objectif de sauver des vies pendant le cyclone n’était pas toujours suivi d’un zèle semblable pour répondre aux besoins essentiels des personnes ainsi secourues. Et si on s’est beaucoup occupé de l’agglomération de Visakhapatnam, on a négligé les zones rurales.
Il y a aussi eu des plaintes concernant les retards dans le versement des indemnisations. À quoi s’ajoutait un manque de clarté et de transparence dans les décisions prises, ce qui a donné lieu à des conflits.
Il y a assurément des leçons à tirer de cet évènement. Il va falloir créer des ceintures vertes le long du front de mer pour atténuer les effets des cyclones à venir.
Il est également indispensable de repenser la planification urbaine dans les villes du littoral comme Visakhapatnam. On devrait pouvoir tenir compte de l’éventualité de cyclones dans l’utilisation des terrains et la construction de bâtiments sur le front de mer urbain ! Et il faudrait s’occuper du clivage zones urbaines-zones rurales. Pour citer un observateur, si Hudhud avait frappé 30 km en dehors de Visakhapatnam, il n’y aurait pas eu un tel déversement de sympathie et de soutien.
Le profond fossé qui sépare les villes des campagnes est manifeste dans le degré d’attention et d’aide accordé aux unes et aux autres. Quand on s’affairait pour redémarrer les stations d’essence à Visakhapatnam, les femmes des villages de pêcheurs voisins avaient bien du mal à trouver de l’eau pour boire, faire la cuisine, la vaisselle, la toilette.
Dans les communautés de pêche, il y a eu des difficultés pour déterminer le nombre d’embarcations touchées. Cela est dû à la fois à l’absence d’immatriculation et aux dégâts causés. Pour améliorer l’accès à des aides éventuelles, il serait éminemment souhaitable de procéder à l’enregistrement de tous les bateaux du secteur artisanal.
Pour plus d’information
www.thehindu.com/news/cyclonehudhud-live-updates/article6493368.ece
Le cyclone Hudhud frappe la côte : chronologie
www.hudhud.ap.gov.in/HDRMS/UserInterface/Loginform.aspx
Évaluation des dégâts et système de suivi de l’assistance