ÉDITORIAL
Choisir les bons droits
Le forum mondial UserRights 2015 a traité de droits fonciers et droits de pêche pour une gestion responsable et un développement équitable des pêcheries
UserRights 2015 est le troisième évènement d’une série de conférences organisées par la FAO sur les questions de droits dans la pêche, plus particulièrement cette fois sur l’utilisation de droits de propriété dans la gestion des pêcheries. FishRights 1999 avait exploré au plan international le recours à des droits de propriété pour la gestion des pêches. Sharing the Fish 2006 portait sur les problèmes d’attribution de la ressource, en particulier sur la question de savoir qui reçoit quoi quand les pêcheries sont sous pression. UserRights 2015 a adopté un point de vue assez différent, à savoir la prise en compte de l’importance des droits fonciers et droits de pêche pour une gestion responsable et un développement équitable de ce secteur. La conférence était reçue par le Gouvernement du Cambodge à Siem Reap, où se trouve le grand site historique d’Angkor Vat. Il y avait là surtout des participants venus de pays en développement, contrairement aux deux premiers évènements qui avaient eu lieu à Fremantle, Australie.
Cela a été l’occasion...
ÉDITORIAL
Choisir les bons droits
Le forum mondial UserRights 2015 a traité de droits fonciers et droits de pêche pour une gestion responsable et un développement équitable des pêcheries
UserRights 2015 est le troisième évènement d’une série de conférences organisées par la FAO sur les questions de droits dans la pêche, plus particulièrement cette fois sur l’utilisation de droits de propriété dans la gestion des pêcheries. FishRights 1999 avait exploré au plan international le recours à des droits de propriété pour la gestion des pêches. Sharing the Fish 2006 portait sur les problèmes d’attribution de la ressource, en particulier sur la question de savoir qui reçoit quoi quand les pêcheries sont sous pression. UserRights 2015 a adopté un point de vue assez différent, à savoir la prise en compte de l’importance des droits fonciers et droits de pêche pour une gestion responsable et un développement équitable de ce secteur. La conférence était reçue par le Gouvernement du Cambodge à Siem Reap, où se trouve le grand site historique d’Angkor Vat. Il y avait là surtout des participants venus de pays en développement, contrairement aux deux premiers évènements qui avaient eu lieu à Fremantle, Australie.
Cela a été l’occasion d’écouter des opinions diversifiées concernant la gestion des pêches fondée sur les droits, tant dans le cadre de pays en développement que membres de l’OCDE. À la lumière des Directives foncières de 2012 et des Directives PAD de 2014, et contrairement aux deux conférences précédentes, cette assemblée a permis de se centrer davantage sur les aspects sociaux et d’analyser les systèmes de gestion dans une approche fondée sur les droits fonciers et les droits humains.
Concernant les principes d’équité, la conférence a débattu de divers types de gestion des pêches : quota individuel transférable (QIT) et quota d’effort individuel transférable (EIT) dans des pays de l’OCDE (Islande, États-Unis, Australie…), pêcheries communautaires au Cambodge (l’un des pays les moins développés). Avec leur attention particulière pour la nutrition, la sécurité alimentaire, les revenus, la réduction de la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie des pauvres et des défavorisés, ces dernières ont été qualifiées de « système communautaire le plus complet et le plus élaboré du monde ». D’autres exemples portaient sur les pays suivants : Indonésie, Mexique, Afrique du Sud, petits États insulaires du Pacifique. Le nombre de pêcheurs bénéficiant d’une approche fondée sur les droits est très variable : quelques centaines dans des pays riches, près d’un million de pêcheurs et d’aquaculteurs au Cambodge.
Le système des QIT, de par sa conception même, ne correspond pas aux caractéristiques des pêches artisanales, ne répond pas au droit des peuples autochtones à pratiquer une pêche de subsistance. L’analyse des différentes approches de la gestion des pêches fondée sur les droits fait très clairement ressortir les effets négatifs des QIT et autres dispositifs semblables (parts de capture…) sur les pêcheurs artisans et les peuples autochtones. En Islande, deux grandes sociétés contrôlent 52 % de l’ensemble des quotas du pays. Les emplois dans la pêche et la transformation sont passés de 12 % en 1983 à 5,3 % en 2014. Plusieurs communautés de pêche sont maintenant endettées, dépourvues d’accès à leurs lieux de pêche traditionnels et de nouvelles possibilités de travail. En Australie, 70 % des droits dans les pêcheries de crevette du Nord est détenu par des grandes et moyennes entreprises. En 2000, les petits opérateurs bénéficiaient de 50 % des droits d’accès. Au Danemark et aux États-Unis, les petits bateaux sont remplacés par des unités de plus grande taille. Les quotas sont aux mains d’un petit nombre de navires très spécialisés. Au Canada, malgré les décisions des tribunaux en leur faveur, les peuples autochtones ne parviennent pas à faire reconnaître leurs droits de pêche de subsistance issus de traités.
UserRights 2015 a rejeté à la fois l’idée d’une approche unique qui serait bonne pour tous et l’option des QIT et leurs droits individuels pour les pêches artisanales, tout particulièrement dans les pays en développement. Pour la gestion des pêches artisanales, il faut au contraire envisager des droits communautaires.
Nous privilégions une telle solution à une absence de droits. Des voix se sont élevées pour mettre en garde contre un processus de privatisation des pêches (mouvement d’enclosure des eaux) et pour réclamer une participation élargie des citoyens aux décisions relatives à l’attribution de ressources halieutiques qui sont un bien commun, selon des critères sociaux équitables. Nous faisons nôtre ce point de vue et rejetons des démarches fondées sur une privatisation et sur l’instauration de marchés inéquitables pour l’attribution de la ressource.
Il convient d’autre part d’accorder une plus grande attention aux droits des femmes à toutes les étapes de la chaîne de valeur. Il est essentiel que l’approche fondée sur les droits s’inscrive dans une approche fondée sur les droits humains, comme l’ont réclamé un certain nombre de participants. Ce point a d’ailleurs été repris lors de la séance de clôture en tant que message particulièrement important du forum. Dans une telle démarche, on veillera à mettre en pratique les Directives sur les régimes fonciers et les Directives PAD, ce qui devrait aider à lutter contre la pauvreté, à renforcer la sécurité alimentaire, à améliorer la nutrition de populations vulnérables et marginalisées.