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Samudra Report

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noviembre
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2014
CITATION LITTÉRAIRE
Sur la mer
Sur la mer, tout près du rivage, essayaient de s’élever, les unes par-dessus les autres, à étages de plus en plus larges, des vapeurs d’un noir de suie mais aussi d’un poli, d’une consistance d’agate, d’une pesanteur visible, si bien que les plus élevées penchant au-dessus de la tige déformée et jusqu’en dehors du centre de gravité de celles qui les avaient soutenues jusqu’ici, semblaient sur le point d’entraîner cet échafaudage déjà à demi-hauteur du ciel et de le précipiter dans la mer.
— À l’ombre des jeunes filles en fleur,
de Marcel Proust
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Analyse / AIDES À LA PÊCHE
En eaux troubles
Il faut évidemment plus de transparence, plus de démocratie pour sortir de la tromperie des « partenariats »
Cet article a été écrit par André Standing (andre.standing@transparentsea.co) de Transparent Sea
Le manque de transparence et d’efficacité de l’aide au développement est devenu un sujet de préoccupation chez les pêcheurs artisans d’Afrique de l’Ouest et en d’autres parties du monde. Quelles sont les sommes dépensées dans tel ou tel pays, par qui, dans quel but, et quelles en sont les répercussions sur la pêche artisanale ? Cet intérêt pour le sujet est aussi justifié par l’annonce régulière de nouveaux projets à grande échelle citant souvent comme bénéficiaires les petits pêcheurs.
Ainsi, la Banque mondiale a récemment lancé son Partenariat mondial pour les océans (PMO). Les premiers communiqués de presse laissaient entendre que ce PMO, grâce aux contributions des gouvernements et du secteur privé, allait réunir 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour aider à financer des projets pour la pêche et autres choses dans le milieu marin. C’est l’un des nombreux exemples où, en ces temps d’austérité budgétaire, des investissements privés viennent abonder l’aide...
Analyse / AIDES À LA PÊCHE
En eaux troubles
Il faut évidemment plus de transparence, plus de démocratie pour sortir de la tromperie des « partenariats »
Cet article a été écrit par André Standing (andre.standing@transparentsea.co) de Transparent Sea
Le manque de transparence et d’efficacité de l’aide au développement est devenu un sujet de préoccupation chez les pêcheurs artisans d’Afrique de l’Ouest et en d’autres parties du monde. Quelles sont les sommes dépensées dans tel ou tel pays, par qui, dans quel but, et quelles en sont les répercussions sur la pêche artisanale ? Cet intérêt pour le sujet est aussi justifié par l’annonce régulière de nouveaux projets à grande échelle citant souvent comme bénéficiaires les petits pêcheurs.
Ainsi, la Banque mondiale a récemment lancé son Partenariat mondial pour les océans (PMO). Les premiers communiqués de presse laissaient entendre que ce PMO, grâce aux contributions des gouvernements et du secteur privé, allait réunir 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour aider à financer des projets pour la pêche et autres choses dans le milieu marin. C’est l’un des nombreux exemples où, en ces temps d’austérité budgétaire, des investissements privés viennent abonder l’aide publique sous forme de « mélanges ».
L’aide est assurément un facteur important pour façonner la gestion et la réforme des pêches. Beaucoup de donateurs affirment que leurs projets d’aide ont des effets bénéfiques pour les petits pêcheurs, la sécurité alimentaire et la durabilité des pêcheries. Et pourtant les quelques travaux de recherche indépendante qui ont été réalisés sur le sujet viennent contredire ces auto-évaluations bien optimistes. En 2010, la Banque mondiale (le plus grand donateur pour la pêche en Afrique) a publié une étude qui décrit les répercussions de l’aide au secteur de la pêche dans cette région comme particulièrement calamiteuses, et qui a incité la Banque mondiale à opter pour une autre solution : l’approche fondée sur la richesse.
D’autres études ont mis en évidence que les gouvernements de pays de pêche lointaine (Japon, Espagne, Chine, Russie, Union Européenne) ont tous fait un usage stratégique de leur aide pour servir les intérêts de leurs entreprises, notamment en posant comme condition préalable au versement de l’aide l’octroi de droits de pêche. Le financement de réformes de la gouvernance en vue de soutenir la pêche artisanale (cogestion communautaire, par exemple) a donné lieu à des résultats très variables ; cela n’a pas toujours été dans l’intérêt des pêcheurs eux-mêmes. Il y a par ailleurs le fait que cette aide peut avoir un effet corrupteur concernant le comportement des gouvernants et de la société civile, en protégeant des services insuffisamment performants des critiques extérieures et en favorisant ce qu’on appelle souvent « la culture du per diem », qui constitue un obstacle important pour les mouvements de base et la participation citoyenne dans les pays dépendants de l’aide.
Le présent article porte moins sur l’impact de l’aide (qui n’est pas forcément mauvais, comme certains l’affirment) que sur la façon dont elle se fait. L’un des principaux reproches exprimés par les pêcheurs artisans dans certaines de leurs organisations est qu’ils ne sont pas convenablement informés et consultés concernant les projets de pêche dans leur pays, même quand ils sont supposés en être les bénéficiaires.
Responsabilisation
Des débats essentiels ont lieu sur la finalité et le cadre idéologique de l’aide. Mais il faudrait aussi que le souci d’une plus grande responsabilisation (accountability) trouve sa place dans les efforts internationaux portant sur les réformes à faire pour assurer des pêcheries durables et équitables.
La Coalition pour des accords de pêche équitables (CAPE/CFFA) est une ONG qui a publié récemment une base de données sur l’aide à la pêche en Afrique, qui se fonde principalement sur des informations relatives à l’Aide publique au développement (APD) publiées par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), plus diverses autres sources.
Elle contient plus de 3 300 projets réalisés en Afrique sub-saharienne à partir des années 1970 jusqu’en 2012. Leurs budgets déclarés s’élèvent en tout à 6 017 051 504 dollars, ce qui représentait la valeur à leur lancement. Pour comprendre la valeur relative de l’aide dans le temps, l’OCDE a élaboré une équation appelée déflateur du CAD. En utilisant cela et en retenant la valeur du dollar de 2011 comme constante, on obtient, pour la valeur totale des projets d’aide dans la base de données, la somme de 9 880 342 634 dollars.
Cette base a pour but de donner un aperçu des divers projets et dépenses dans les pays et régions. Elle ne constitue pas une source d’informations fiables quant au total des dépenses et activités des donateurs. Certains d’entre eux manquent de suite dans leurs déclarations. Par exemple, l’Europe a fait état (pendant quelques années et pour seulement quelques pays) de paiements pour des accords de pêche sous le chapitre APD (aide publique au développement).
Il y a par ailleurs de nombreuses et importantes sources d’aides au secteur de la pêche (Chine, Russie notamment) qui n’envoient pas d’informations à l’OCDE, ni à personne d’autre. Et on dispose de très peu d’informations publiques concernant les flux privés de l’aide qui passe par des ONG internationales ou des fondations philanthropiques. Cela devrait élargir considérablement le tableau. À cela s’ajoute le fait que beaucoup de grands projets sur la pêche en Afrique étaient un élément parmi d’autres de plans multisectoriels classés dans la base de l’OCDE comme des financements destinés à l’agriculture ou à l’environnement. Là où c’était possible, la CAPE a extrait de ces grands projets les montants concernant la pêche, mais cela a pu se faire pour quelques-uns seulement.
Il existe bien d’autres difficultés pour qui s’intéresse aux flux d’aide. La base de données de la CAPE donne un bon aperçu, mais il reste beaucoup à faire pour compléter le tableau. Cela permettrait d’effectuer des analyses plus poussées, de faire apparaître notamment les montants qui vont à différents secteurs, et pour quels objectifs.
Bien que cela n’ait pas constitué un aspect marquant dans les débats sur la pêche, l’amélioration de la responsabilisation démocratique est devenue un élément central dans les efforts internationaux pour une réforme de l’aide depuis la fin des années 1990. Cette démarche a trouvé une expression plus récente dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005), le Programme d’action d’Accra (2008), le Partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement (2011). Il y a eu un développement remarquable de la réflexion critique et du suivi de la performance des donateurs. Cela a produit certaines améliorations, et aussi mis en évidence l’écart qui existe entre la théorie et la pratique.
Il y a eu un approfondissement des débats sur la signification de l’accountability (la responsabilisation, l’obligation de rendre des comptes…), sur les moyens d’y parvenir. La Déclaration de Paris a, par exemple, identifié l’importance de l’appropriation nationale des programmes d’aide, afin que les gouvernements des pays en développement puissent décider de ce qu’il importe de financer et qu’ils soient protégés contre les pratiques de donateurs déterminés à imposer des conditionnalités. Les critiques exprimées à l’encontre de cette appropriation nationale ont conduit à l’inclusion de la société civile en tant que partie prenante importante dans la Déclaration du Partenariat de Busan, à une référence plus fréquente maintenant à l’appropriation démocratique, c’est-à-dire la participation et l’autonomisation effectives des populations touchées et vulnérables, sans se limiter aux partenaires gouvernementaux.
L’appropriation démocratique
Le concept d’appropriation démocratique dans l’aide à la pêche mérite qu’on s’y attarde. De nombreuses agences de développement opérant dans ce secteur ont adopté une démarche contestable. On note cependant des exceptions importantes : l’élaboration des Directives pour assurer la durabilité des pêches artisanales, sous les auspices de la FAO, a donné lieu à une vaste participation, à de sérieux efforts pour tenir compte des points de vue des petits pêcheurs. Mais c’est loin d’être la norme.
Le Japon, qui est le plus grand donateur bilatéral pour la pêche en Afrique, communique à l’OCDE le montant consacré à ces projets d’aide, sans plus de détails et documentation. L’information concernant les investissements et paiements de la Chine et la Russie dans les pays partenaires est extrêmement limitée. L’Indice de transparence de l’aide de Publish What You Fund attribue une note plutôt médiocre à bon nombre d’importants bailleurs de fonds pour la pêche (Japon, Espagne, Norvège…). D’autres études ont fait apparaître des niveaux de transparence passablement calamiteux dans des agences des Nations Unies.
La coordination entre donateurs de la pêche est également faible. Certains bailleurs européens ont constitué un groupe de travail informel avec leurs conseillers pour la pêche ; pour le moment, cela n’a rien produit pour informer le public et recueillir ses commentaires. Les principaux bailleurs (Japon, Groupe Banque africaine de développement, agences des Nations Unies, Banque mondiale notamment) font apparemment bien peu pour éviter doubles emplois et chevauchements ou pour améliorer la cohérence entre leurs divers projets. D’autre part, bien peu de gouvernements africains ont défini une stratégie nationale de réforme de leurs pêcheries qui puisse servir de guide, de point de référence dans le débat public concernant l’usage qui est fait de l’aide au développement et son niveau de performance.
Dans de nombreux cas, en matière de conception et réalisation des projets, de choix des priorités nationales, on est par conséquent dans le brouillard. Les bailleurs et les gouvernements partenaires opèrent trop souvent via des procédures ad hoc, essentiellement internes, basées sur les préférences des gens haut placés ou les avis de conseillers bien en cour. Certaines ONG internationales (ONGI) en particulier deviennent un facteur de plus en plus controversé de ce genre d’influence. Ceux qui disposent de beaucoup de ressources, qui sont plus experts à rédiger des projets, à obtenir des rencontres avec les bailleurs de fonds parviennent à peser sur les destinations de l’aide. Cette influence est devenue plus prononcée au fil des dix dernières années, souvent au détriment des militants de base.
Partenariats
Le problème de l’appropriation démocratique sera peut-être résolu si l’on s’oriente vers un modèle de partenariat dans les initiatives de l’aide. Mais là aussi il y a des critiques. Les partenariats ont tendance à être arbitraires : ceux qui les établissent et les financent font aussi le choix entre les entrants et les exclus.
Il y a plusieurs exemples dans la pêche, notamment les Accords de partenariat de l’UE et le Partenariat pour la pêche africaine (PPA), ce dernier financé à l’origine par le Royaume-Uni dans le but de constituer une voix africaine en matière de réforme des pêches.
Potentiellement, le PMO (Partenariat mondial pour les océans) est actuellement le plus important : une tentative ambitieuse pour rapprocher des intérêts divergents et orienter l’aide à la pêche afin de préserver les ressources halieutiques et marines.
Mais on lui reproche qu’un petit nombre de gens seulement se sont chargés de définir ses objectifs, que les organisations modestes souhaitant y entrer doivent d’abord approuver sa Déclaration vague qui fait référence à une approche fondée sur la richesse pour réformer la gouvernance des pêches, ce qui peut donner lieu à des controverses. Les pêcheurs artisans n’étaient pas activement impliqués dans le processus de définition des objectifs de ce PMO, et ils ne sont pas représentés dans le comité d’experts (appelé Blue Ribbon Panel) qui pilote l’initiative. On y trouve par contre des représentants de l’industrie pétrolière, de la pêche industrielle, de sociétés de mareyage, et aussi des scientifiques et des groupes environnementaux internationaux.
Les partenariats en matière d’aide ont donc souvent du mal à établir des rapports de force égalitaires. Des groupes moins solides peuvent décider de s’y associer dans l’espoir d’obtenir des financements. Ceux qui ne le font pas risquent d’être considérés comme des fauteurs de troubles, et auront moins de chance de recevoir des sous et d’être invités aux « réunions des parties prenantes ». Ces partenariats peuvent ainsi devenir des mécanismes de cooptation ou d’exclusion au lieu de favoriser une représentation démocratique.
En 2008, la FAO a commandé une étude portant sur la qualité de l’évaluation des projets d’aide dans le secteur de la pêche. Elle a fait ressortir de sérieux manquements et laissé entendre que la mauvaise qualité des évaluations expliquait en bonne partie la continuation de pratiques inefficaces et potentiellement préjudiciables dans le domaine des aides.
Pour bien des projets d’aide, il n’existe pas d’évaluation accessible au public. Quand des bailleurs publient des évaluations externes, divers facteurs viennent saper en fait leur utilité. Dans une évaluation à mi-parcours tout particulièrement, on procède prudemment, sachant que des observations négatives pourraient créer des tensions politiques et menacer la continuation du projet.
Les évaluations extérieures sont généralement considérées comme plus fiables que celles réalisées en interne. Mais elles peuvent aussi être entachées de parti pris. Presque toujours c’est le bailleur qui choisit la personne qui mènera l’évaluation du projet. C’est important compte tenu de l’intérêt qu’il a à ce qu’elle soit bonne.
Et le consultant engagé par le bailleur voudra peut-être lui faire plaisir avec une évaluation positive, ce qui augmentera ses chances d’obtenir un nouveau contrat. Il y a aussi le risque de conflits d’intérêts, amplifié dans le domaine de la pêche étant donné le nombre relativement limité d’experts disponibles. Les mêmes groupes de personnes se chargent généralement de fonctions qui se chevauchent : conseillers auprès de donateurs, puis évaluateurs de projets d’aide, exécuteurs, bénéficiaires d’une aide au développement via une ONG ou une société de consultants, ou les deux à la fois. Les populations censées bénéficier du projet sont rarement consultées comme il conviendrait.
Certaines évaluations sont meilleures que d’autres. Les évaluations constituent en tout cas un bon point d’entrée pour une discussion plus approfondie sur l’efficacité de l’aide. Il faut donc qu’elles soient activement partagées, qu’elles soient le plus accessibles possible, y compris grâce à leur publication en langue locale, ce qui n’est habituellement pas le cas.
Les évaluations sont principalement destinées aux donateurs, pas au grand public. En fait, cela montre bien qu’il s’agit de rendre des comptes à ceux d’en haut (c’est-à-dire les bailleurs) et pas vraiment à ceux d’en bas (les bénéficiaires présumés).
Par ailleurs, les limites méthodologiques des évaluations et les contraintes de temps font que ces rapports restent une source d’information restreinte en matière d’analyse des répercussions concrètes de l’aide. Les évaluations en profondeur qui prennent le temps qu’il faut sont rares. En procédant à l’évaluation d’un projet juste après son achèvement, on n’obtient qu’une vision limitée de son impact. Les choses deviennent plus apparentes un certain nombre d’années plus tard.
Autres difficultés
Dans les projets d’aide, la reddition de compte (ou responsabilisation) peut se faire autrement que par des évaluations commandées. On peut espérer, par exemple, qu’un projet qui échoue ou entraîne des effets négatifs fera l’objet de critiques de la part d’ONG, de la société civile (pêcheurs, journalistes, universitaires, etc.).
Ici aussi malheureusement, l’expérience montre l’existence de manquements majeurs dans la pratique concrète des bailleurs. De nombreuses agences n’ont pas de point de contact apparent ; ou bien le bailleur néglige tout simplement de répondre aux commentaires du public. Peu d’entre eux ont une politique claire dans ce domaine.
Il existe des cas où des projets et des activités de donateurs ont donné lieu à des manifestations populaires. Certaines ont abouti ; mais il y a peu d’exemples dans la pêche.
Dans les pays non démocratiques, la fonction de surveillance de la société civile est considérablement réduite. L’ONG The Reality of Aid a montré que, dans de nombreux pays en développement, les critiques locales concernant l’aide sont réduites au silence par les autorités, qui emploient pour cela des méthodes détestables (emprisonnement, harcèlement…).
De la même manière, la surveillance de ces projets se heurte à une autre difficulté significative, à savoir que la grande majorité des gens qui travaillent sur la pêche en Afrique (y compris ceux qui ont des informations sur ces projets) dépendent eux aussi de l’aide ; ils ne vont donc pas faire de vagues. Il faut déployer des efforts considérables pour développer des organismes soucieux d’obtenir commentaires et évaluations de la part du public.
Des milliards de dollars d’aide ont été dépensés pour la pêche en Afrique. Et il est possible qu’on assistera à une augmentation au cours des prochaines années, par le biais notamment de méthodes innovantes consistant à coupler financements publics et financements privés.
Des réformes sont assurément nécessaires pour améliorer la responsabilisation démocratique. Les idées suivantes pourraient contribuer à alimenter le débat sur ce sujet. Premièrement, des efforts internationaux comme Intentional Aid Transparency Initiative et Publish What You Fund ont établi des normes relatives à l’accès à l’information. Ils font pression sur les donateurs pour qu’ils se conforment à ces normes, qui sont générales et pas destinées à un secteur particulier. Il reste donc des choses à faire pour que les projets d’aide dans la pêche deviennent plus transparents, plus vérifiables.
Les tentatives en cours pour mieux coordonner les efforts des donateurs, comme en Europe par exemple, pourraient dynamiser le processus, en partageant l’information, en faisant pression pour que d’autres aussi agissent de même. Et les membres du PMO devraient envisager les moyens pratiques d’une amélioration collective des normes parmi les bailleurs participants, et aussi avec les ONG, les organismes philanthropiques, les entreprises donatrices. Au moment de l’approbation, de l’examen de tout nouveau projet entrant dans le cadre du PMO, il faudra accorder à la question de l’accès à l’information toute l’attention qu’elle mérite.
Deuxièmement, les donateurs ont beaucoup de mal à démontrer les effets positifs de leurs projets de pêche. Les évaluations de projet ont un rôle limité mais cependant nécessaire.
La FAO a conseillé aux donateurs de prendre du recul quant au choix des évaluateurs extérieurs, de veiller à ce qu’il y ait parmi eux non seulement des experts de la pêche mais aussi des spécialistes des questions sociales et politiques.
Au-delà des évaluations, il y a ici un rôle potentiel pour appuyer des instituts de recherche indépendants, des journalistes locaux, des organisations de pêcheurs afin d’approfondir les analyses, pour mettre en évidence les effets de l’aide en matière de démocratie, de moyens d’existence dans les pêches artisanales, et dans le monde concurrentiel de la pêche industrielle et du commerce du poisson. Cela permettrait d’augmenter les chances d’obtenir une écoute locale, de tester dans la réalité les possibilités pour les gens du pays d’obtenir de l’information, y compris les budgets et rapports financiers.
Troisièmement et finalement, depuis le Programme d’action d’Accra de 2008, on s’est efforcé de mieux intégrer la société civile dans les processus de planification de l’aide. Certains bailleurs ont constitué dans ce domaine des comités consultatifs où l’on trouve en plus d’eux-mêmes des représentants d’OSC et des pouvoirs publics.
Groupes de travail
Ces comités ont des groupes de travail sur différents secteurs ; mais il n’en existe pas pour la pêche. On pourrait songer à étendre le travail de ces groupes pour inclure également la pêche ou l’environnement côtier. Ceci dit, les études effectuées sur ces structures par The Reality of Aid font apparaître que, dans beaucoup d’endroits, ce sont souvent les gouvernements qui choisissent les OSC qui pourront participer. On laisse à ces dernières très peu de temps pour se préparer aux réunions ; et les décisions importantes sont prises en dehors de ces comités par les représentants gouvernementaux et les bailleurs.
On pourrait envisager une autre approche basée sur la notion d’assemblée citoyenne, où des participants volontaires sont désignés par tirage au sort et touchent une modeste rémunération pour leur contribution. Ils sont aidés par des experts extérieurs, mais de façon à ce que ceux-ci ne confisquent pas le processus décisionnel.
Cette démarche pourrait inclure un mécanisme permettant d’assurer la parité hommes-femmes et d’éviter une mainmise de grosses ONG prétendant parler au nom de toute la société civile.
Les assemblées citoyennes devraient agir en tant que structures complémentaires d’appui aux prises de décision par les autorités élues. Un certain nombre d’organisations apportent une aide pour l’établissement de telles assemblées à travers le monde. Le pilotage d’une telle démarche dans la pêche serait une proposition intéressante, et appropriée au-delà même de la planification de l’aide et de la reddition de comptes.
La mise en place de mécanismes alternatifs pour un engagement citoyen délibératif dans la pêche soulève des questions difficiles, en particulier l’identification des parties prenantes légitimes. Faut-il retenir uniquement les personnes ayant une activité dans la chaîne de valeur de la pêche ? Qu’en sera-t-il, par exemple, des gens qui travaillent dans le tourisme ou pour la préservation du littoral ? Ce sont là des aspects importants qu’il importe de prendre en considération si l’on souhaite réfléchir plus sérieusement au renforcement de la responsabilisation démocratique : qui doit rendre des comptes, et à qui ?
On ne peut ici répondre à ces questions. On cherche seulement à mettre en évidence, en matière d’aide, les limites des approches en cours concernant la responsabilisation, la reddition de comptes, et aussi la nécessité d’accorder une plus grande attention à ce sujet au sein des organisations qui travaillent sur les droits des pêcheurs artisans.
Pour plus d’information
cape-cffa.org/
Base de données de TransparentSea sur l’aide aux pêches africaines
www.publishwhatyoufund.org/index/2014-ati/
Indice de transparence de l’aide de Publish What You Fund
www.realityofaid.org
Rapport annuel 2012 de The Reality of Aid
siteresources.worldbank.org/EXTARD/Resources/336681-1224775570533/PERC.pdf
L’aide au développement pour les pêches africaines (chapitre 2)