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Samudra Report

- :
mars
- :
1988
issue no:1
ETUDE EN COURS 2
L’AIDE EXTÉRIEURE ET LES INVESTISSEMENTS DANS LES SECTEURS « PÊCHE » DU TIERS MONDE
Une des tâches importantes que s'est assignée le Collectif International d'Appui à la Pêche Astisanale est l'étude de l'IMPACT des programmes de développement sur LA VIE ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL des travailleurs de la pêche. C'est une tâche immense pour laquelle le secrétariat requiert I assistance tant des réseaux régionaux, des groupes d'appui et des organisations des pêcheurs que des scientifiques concernés et des fonctionnaires ayant accès à cette information.
L’étude d’impact est le premier pas “isant à établir un système d’alarme préventif grâce auquel le Collectif voudrait prévenir la mise en chantier de programmes de développement qui seraient néfastes aux travailleurs de la pêche et au public en général.
Pour réaliser ce travail, le secrétariat voudrait avoir accès à une information correcte qui lui permettrait d’alerter les gens concernés aux niveaux locaux, nationaux ou internationaux pour contrer les projets « hasardeux ».
A LA F.A.O.
Depuis plusieurs années, la FOOD & AGRICULTURE ORGANISATION of the United nations, mieux connue sous le sigle FAO publie une « Revue de l’assistance extérieure du...
ETUDE EN COURS 2
L’AIDE EXTÉRIEURE ET LES INVESTISSEMENTS DANS LES SECTEURS « PÊCHE » DU TIERS MONDE
Une des tâches importantes que s'est assignée le Collectif International d'Appui à la Pêche Astisanale est l'étude de l'IMPACT des programmes de développement sur LA VIE ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL des travailleurs de la pêche. C'est une tâche immense pour laquelle le secrétariat requiert I assistance tant des réseaux régionaux, des groupes d'appui et des organisations des pêcheurs que des scientifiques concernés et des fonctionnaires ayant accès à cette information.
L’étude d’impact est le premier pas “isant à établir un système d’alarme préventif grâce auquel le Collectif voudrait prévenir la mise en chantier de programmes de développement qui seraient néfastes aux travailleurs de la pêche et au public en général.
Pour réaliser ce travail, le secrétariat voudrait avoir accès à une information correcte qui lui permettrait d’alerter les gens concernés aux niveaux locaux, nationaux ou internationaux pour contrer les projets « hasardeux ».
A LA F.A.O.
Depuis plusieurs années, la FOOD & AGRICULTURE ORGANISATION of the United nations, mieux connue sous le sigle FAO publie une « Revue de l’assistance extérieure du secteur pèche dans les pays envoie de développement »(1)
Cette « revue » fournit des données très condensées indiquant les montants et les types d’assistance extérieure consentis par les principales agences de financement. Elle indique en outre les régions bénéficiaires.
Selon cette source d’information, l’assistance extérieure aux pêcheries des pays en voie de développement a plus que doublé pendant la période 74-84, passant de 228,8 millions de dollards (US) à 492,4 millions, si l’on prend pour référence la valeur du dollar en 1980.
Environ 80 % de cette assistance consistait en 1984 en investissements (navires, ports, infrastructure, etc..) tandis que 20 % seulement étaient dépensés en assistance technique (formation, recherche...).
A LA BANQUE MONDIALE
La Banque Mondiale et les banques de développement asiatique, africaine et interaméricaine, sont de loin les principaux bailleurs de fonds destinés à l’aide à la pêche (42 %) suivis par les aides bilatérales (38 %). L’ensemble du système O.N.U., y compris la FAO ne représente que 7 % qui sont presque complètement des programmes d’assistance technique. Cependant, le rôle de la FAO dans les investissements est beaucoup plus important que ne pourrait le laisser croire les chiffres cités. Beaucoup de financements entrepris par la Banque mondiale et les banques de développement régionales sont en fait préparés par l’INVESTMENT CENTRE de la FAO qui est une unité relativement autonome dans l’organisation.
Plus d’un fonctionnaire de la FAO vous dira très sérieusement que la coordination entre les services techniques du département « pêche » et cet INVESTMENT CENTRE est inexistante et que ce dernier se considère plus comme une extension de la Banque Mondiale (où les Etaits-Unis ont voix prépondérante) qu’un département de la FAO (où les états du Tiers-Monde ont la majorité des voix, mais... évidemment, pas des fonds !).
A LA C.E.E.
Récemment, la Communauté Economique Européenne (CEE) a fortement renforcé son intervention « pêche » dans les pays en voie de développement et sa part atteignait en 1984 7% du total de l’aide, alors qu’en 1977, elle contribuait seulement pour 1 %. Si l’on tient compte du fait qu’une part considérable de l’assistance bilatérale est fournie par les pays de la CEE, on peut dire que celle-ci est le plus important bailleur de fon ds dans les programmes d’aide à la pêche tout spécialement en Afrique où se trouvent présentement la majorité des ressources halieutiques non encore totalement exploitées.
Cet intérêt croissant de la CEE pour les pêches ne surprendra pas si l’on se rappelle que l’Espagne et le Portugal ont rejoint la Communauté, y intégrant une flotte très étendue qui est largement en excédent par rapport aux ressources à exploiter dans les eaux européennes. Un représentant de la CEE résumait la situation par ces mots :
Note: (1)A survey of external assistance to the Fisheries sector in developping countries.1978-1985 by H. JOSUPEIT, FAO Fisheries Circular n° 755 Rev. 2
« La survie des flottes européennes et des emplois qu ‘elles procurent ne sera assurée que par la conclusion d’ac-cords de pêche avec des pays tiers.»
La plupart de ces pays « tiers » qui offrent des ressources « sous-exploitées » soit en fait dans le Tiers- Monde, spécialement en Afrique du Nord et de l’Ouest. La prétendue « assistance au développement » vient donc à point pour préparer le terrain à la conclusion d’accords, de « joint ventures » ; des contacts sont établis, on recueille les informations sur la localisation et l’abondance du poisson et des ressources disponibles... Ainsi, les décideurs-clés sontils préparés financièrement et idéologiquement à approuver des « accords mutuellement profitables». Ceux qui sont laissés pour compte sont les milliers de familles de pêcheurs artisans qui n’ont pas voix au chapitre et qui recevront des miettes de l’aide au développement pour les aider à croire qu’eux aussi en bénéficient !
Dans les pays où la politique de la « carotte » ne donne pas de résultat, la CEE a un « bâton » tout prêt ; le refus d’ouvrir ses zones de pêche peut coûter aux états africairo le refds d’accès aux marchés européens ! De cette manière, la « Communauté » a une arme efficace qui garantit les intérêts des pêches industrielles CEE au nom de l’aide au développement.
ET LES ETATS-UNIS ?
Tout récemment, un nouvel acteur est apparu sur la scène des pêches de l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit des Etats Unis. Jusqu’ici, leur engagement se limitait à l’apport d’un appui financier limité, mais d’importants programmes de développement sont à l’étude chez USAID. Contrairement aux intérêts économiques de la CEE, l’engagement US est motivé par des considérations géo-stratégiques. Les Etats- Unis sont préocccupés par la présence massive des flottes de pêche russes et est-européennes travaillant au large de l’Afrique de l’Ouest et ils voudraient voir cette influence fortement réduite et pas seulement un retrait des forces cubaines d’Angola. Effectivement, les flottes de pêche des pays de « l’Est » présentes en Afrique occidentale ne sont pas innocentes, vues par les yeux des pécheurs locaux.
LES FLOTTES RUSSES
En effet, les flottes russes sont bien connues pour la destruction systématique des ressources halieutiques qu’elles provoquent et pour leurs infractions aux lois locales interdisant le chalutage dans les eaux côtières réservées à la pêche artisanale. Bien plus, pour se procurer des devises fortes, ces flottes débarquent régulièrement des quantités importantes de poissons dans les ports africains, inondant du même coup les marchés locaux et provoquant des chutes spectaculaires redoutées des pêcheurs artisans qui alors, « boivent le bouillon » !
Fondamentalement, les pays de l’Est poursuivent la même politique que ceux de l’Ouest, en s’assurant des accords de pêche avec les pays en voie de développement par l’intermédiaire de « pots de vin » payés aux fonctionnaires corrompus et par l’apport de capital et d’assistance technique, qui, semble-t-il, reste bien en deçà des pêcheurs artisans.
CRITÈRES D’ÉVALUATION
Mais revenons à la « revue » publiée par la FAO. On y trouve très peu d’informations sur l’IMPACT de l’aide extérieure. Cet impact dépend principalement du type d’investissement réalisé dans le secteur « pêche » :
1. Ces investissements sont-ils en prise sur les BESOINS DES PÊCHEURS ARTISANS ou sont-ils faits dans le but de rapporter le maximum de profit à quelques-uns ?
2. Ces investisments vont-ils contribuer à promouvoir une utilisation ECOLOGIQUEMENT valable des ressources fragiles et renouvelables, ou bien, vont-ils accélérer la destruction de l’écosystème côtier et maritime ?
3. Vont-ils contribuer à la satisfaction des BESOINS NUTRITIONNELS des POPULATIONS sous-alimentées ou mal nourries, ou vont-ils renforcer la migration de la nourriture des pauvres vers les riches ?
Voilà quelques questions qu’il faut étudier de près si l’on veut évaluer l’IMPACT de programmes d’investissement nationaux ou d’assistance.
Beaucoup parmi nous sont conscients du fait qu’un grand nombre de programmes de développement ont fait plus de tort que de bien aux travailleurs de la pêche en général et aux familles des «petits» pêcheurs du monde rural. Les programmes d’aide au développement et ceux des gouvernements du tiers-monde ont trop souvent mis l’accent sur l’introduction de techniques de pêche à fort composant de capital et tournées vers l’exportation. L’appui à la pêche artisanale a souvent été plus oratoire que réelle sans l’attribution adéquate des ressources financières, techniques et humaines.
PLUS RÉCEMMENT...
Après la Conférence mondiale de la FAO en 1984, on avait pu espérer que plus de ressources allaient être allouées aux pêches artisanales et côtières. Mais les statistiques récentes montrent que cet espoir n’a pas eu de suite et que l’on continue de se payer de mots... L’aide « concessionnaire » aux pays en voie de développement décline, et avec elle l’assistance à la petite pêche. La part du lion de l’aide extérieure continue de soutenir la pêche industrielle qui ne représente pas plus d’un dixième du nombre total des emplois de pêcheurs de par le monde !
Les millions de pêcheurs de la « petite » pêche ne reçoivent qu’un cinquième (à peu près 100 millions de dollars US) de toute l’assistance. Si l’on peut estimer leur nombre à 15 millions, le total des membres de leurs familles doit dépasser les 60 millions et l’aide extérieure ne réalise donc pas plus d’un dollar par tête. C’est minime, mais attention, l’investissement est profitable pour les fournisseurs d’équipement de pêche : moteurs, bateaux, filets, etc... qui, eux, sont établis dans les pays industrialisés.
D’UN POINT DE VUE NIPPON...
On ne s’étonnera donc pas de lire la déclaration suivante définissant les buts de l’assistance technique du département japonais de coopération au développement des pêches outre-mer :
II s’agit :
– de développer au travers d’une coopération économique au niveau pêche, l’utilisation par le Japon des ressources halieutiques non exploitées ;
– de faciliter la conclusion d’accords de pêche favorables au Japon en offrant aux pays en voie de développement une coopération technique à leur développement des pêches ;
– de gratifier d’assistance technique gouvernementale tout pays en voie de développement qui aurait ouvert ses portes de manière telle que des investissements dusecteur privé japonais puissent se mettre en place.
CHÈRES CREVETTES !
Le seul changement important que l’on a pu observer dans les investissements réalisés, c’est que beaucoup d’argent est maintenant investi dans l’aquaculture, en particulier dans la culture de la crevette. Les motifs de cette « nouveauté » sont bien vieux : l’acquisition de devises étrangères et le profit de quelques-uns... !
Les crevettes sont en passe de devenir le « bétail marin ». Pourtant ce sont des convertisseurs de protéines hautement inefficaces, requérant dans le cas de la culture intensive, d’importantes quantités de nourriture. Ce que l’on a appelé « trash fish » (rebuts de chaluts) qui la plupart du temps est déjà utilisé par l’homme des tropiques pour son alimentation ou qui pourrait l’être, devient maintenant le principal ingrédient de cette nourriture de crevettes. De nouveau, ce sont les plus pauvres qui vont perdre cette source de protéines animales peu coûteuse et ce sont les riches qui pourront manger le produit de luxe...
La culture de crevettes soulève aussi de sérieuses questions au plan écologique :
–– tout d’abord, on l’a vu, le « trash fish » a toujours été un sous-produit du chalutage, bien souvent indésirable ! L’extension de l’aquaculture crevettière ne peut que promouvoir un chalutage hautement destructeur employant de très petites mailles qui sera spécifiquement orienté vers la ca pture du « trash fish » et va encore aggraver la surexploitation des ressources halieutiques dans les zones côtières ;
–– ensuite, de larges surfaces de mangroves vont être converties en étangs crevettiers ; mais les mangroves sont des ressources inestimables pour la vie des populations côtières rurales parce qu’elles leur fournissent du bois de chauffe, des aliments pour le bétail et de l’emploi.Les mangroves sont aussi d’importantes fraières et « nursery pour beaucoup d’espèces aquatiques.
DES ÉVALUATIONS TROP RARES ET TROP DANGEREUSES
Les agences d’aide multilatérale ou bilatérale font rarement l’effort d’évaluer avec soin l’impact de leurs programmes de développement ; et, si elles le font, elles ne publient pas ces résultats du fait que les conclusions sont beaucoup trop embarassentes pour l’agence en question ou pour le gouvernement local.
Le Collectif a donc inscrit à son programme cette exigence d’une plus grande attention au suivi des programmes et à la publication des résultats d’évaluation qui doivent être mis à la disposition des publics intéressés. Les quelques travaux d’évaluation qui ont été faits par des organisation d’aide multilatérale ou bilatérale ont révélé de bien « piètres » performances, en général bien plus mauvaises que celles réalisées dans d’autres secteurs comme l’agriculture... Ces mauvais résultats sont dûs à différents facteurs parmi lesquels on note :
–– l’introduction de bateaux et d’équipement inapproprié ;
–– une surcapitalisation conduisant à la création de flotilles industrielles surexploitant les ressources halieutiques ;
–– et enfin, une mauvaise gestion et des détournements de fonds effectués par les administrations des projets.
Le seul critère mis en oeuvre par les organisations internationales pour l'évaluation de leurs projets d'investissement est normalement le « rate of return »" ou coéfficient de rentabilité du capital. Ce critère ne prend pas en compte les bénéficiaires du projet et es intérêts de ceux qui sont lésés. Et donc ces estimations ne mesurent en aucun cas l'impact sur les pêcheurs artisans ou sur les consommateurs locaux de poisson qui sont bien souvent les victimes des programmes de développement de pêche industrielle axés sur l'exportation.
EN GUISE DE CONCLUSION
S’il veut faire un suivi et une évaluation des projets de pêche, le Collectif International doit pouvoir compter sur la coopération des réseaux régionaux et nationaux de « supporters » et d’organisation de pécheurs, et donc sur les lecteurs de « SAMUDRA REPORT » en général. Voilà pourquoi nous vous donnons ci-dessous un questionnaire que pourront utiliser tous ceux qui ont connaissance de projets de pêche qui, au stade « planification » ou « réalisation » sont déjà perçus comme susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la pêche artisanale et des travailleurs du poisson. Sur base de ces informations, le secrétariat approchera les organisations mises en cause pour obtenir des informations et des clarifications et si nécessaire, entamera une procédure d’obstruction de tels projets avec l’appui du public de l’endroit et le support de l’opinion internationale.
Dans les numéros suivants de SAMUDRA REPORT, nous vous tiendrons au courant de l’information recueillie de cette manière par le secrétariat, et des actions visant à préserver les intérêts des pêcheurs artisans.
QUESTIONS...
Pour l’évaluation de l’impact de projets de développement sur les travailleurs de la pêche artisanale et les consommateurs de poisson.
LE SECRÉTARIAT CONTACTERA ÉVENTUELLEMENT LES CORRESPONDANTS POUR PLUS D’INFORMATIONS
1. TITRE du projet de développement ?
2. NOM et ADRESSE de l’organisme bailleur de fonds ? de l’organisme de réalisation ?
3. ADRESSE du BUREAU CENTRAL du projet et aire d’opération ?
4. BREVES DESCRIPTIONS des activités projetées ou déjà commencées (par ex. : contruction d’un port, introduction de bateaux de pêche, construction d’étangs de pisciculture ou d’élevage de crevettes, etc..)
5. BREVE EVALUATION DE L’IMPACT du projet, observé ou attendu, affectant :
a.-les conditions de vie des travailleurs de la pèche. Par ex. : augmentation ou diminution des prises ; chutes des revenus ; variations des possibilités d’emploi ; plus ou moins grande dépendance des produits importés, conditions de travail améliorées ou dégradées...
b.-sur l’environnement (par ex. : destruction des mangroves, surexploitation des ressources halieutiques, pollution, ...)
c.-sur les consommateurs de poisson: approvisionnement amélioré ou dégradé des zones rurales ou urbaines ; prix en hausse ou en baisse,...
6. Description des CONFLITS (observés ou attendus) opposant différents groupes d’intérêts (pêcheurs artisans contre pêche industrielle ; élites locales contre travailleurs de la pêche, etc...)
7. Brève description des organisations locales et nationales des travailleurs de ta pêche et des actions entreprises ou planifiées pour organiser une opposition.
8. Suggestions précisant comment le collectif peut aider la lutte au plan local.
Envoyez vos réponses au Secrétaire :
International Collective in Support
of Fishworkers (ICSF)
Rue Grétry, 65
1000 BRUXELLES
(Belgium)