Indonésie / TRANSFORMATION
Séché, testé, dégusté
Le pindang, mode de préparation traditionnelle du poisson, donne une saveur toute particulière à la cuisine du Java oriental
Cet article a été écrit par Kyana Dipananda (r.dipananda@uva.nl), actuellement sur le terrain à Sumenep, Indonésie
La régence de Sumenep est située à la pointe est des îles de Madura, dans la province du Java oriental. Elle est connue pour ses importantes pêcheries et son potentiel maritime. Il existe plusieurs types d’engins de capture à Madura, principalement lepayang, une sorte de senne très commune, indispensable pour les pêcheurs. Il ressemble à un chalut, avec des ailes et une poche à la partie supérieure soutenue par des flotteurs et des lests fixés à la partie inférieure. Le second type, introduit par le gouvernement indonésien en 1976 afin d’améliorer l’efficacité, est la senne coulissante. Elle est plus grande, plus productive que la senne payang. Il y a aussi la pêche au filet maillant qui a été très pratiquée dans les communautés de Madura. On distingue trois catégories : le filet dérivant, le filet à crevettes et le filet fixe. La plupart des pêcheurs artisans utilisent le bagan, qui est une plateforme de pêche fixe exploitéedurant une...
Indonésie / TRANSFORMATION
Séché, testé, dégusté
Le pindang, mode de préparation traditionnelle du poisson, donne une saveur toute particulière à la cuisine du Java oriental
Cet article a été écrit par Kyana Dipananda (r.dipananda@uva.nl), actuellement sur le terrain à Sumenep, Indonésie
La régence de Sumenep est située à la pointe est des îles de Madura, dans la province du Java oriental. Elle est connue pour ses importantes pêcheries et son potentiel maritime. Il existe plusieurs types d’engins de capture à Madura, principalement lepayang, une sorte de senne très commune, indispensable pour les pêcheurs. Il ressemble à un chalut, avec des ailes et une poche à la partie supérieure soutenue par des flotteurs et des lests fixés à la partie inférieure. Le second type, introduit par le gouvernement indonésien en 1976 afin d’améliorer l’efficacité, est la senne coulissante. Elle est plus grande, plus productive que la senne payang. Il y a aussi la pêche au filet maillant qui a été très pratiquée dans les communautés de Madura. On distingue trois catégories : le filet dérivant, le filet à crevettes et le filet fixe. La plupart des pêcheurs artisans utilisent le bagan, qui est une plateforme de pêche fixe exploitéedurant une campagne. Le filet est descendu sous la structure à l’aide d’un treuil ; quand un nombre suffisant de poissons ont été pris, le filet est remonté. Le processus est ensuite répété jusqu’à satisfaction.
La plupart des produits de la mer de Sumenep sont utilisés comme nourriture. Il y a le poisson frais et le poisson artisanal transformé (séché, salé, bouilli, fumé). Il y a aussi du poisson congelé, du poisson en boite et des farines de poisson, ce qui nécessite des capitaux. Dans la population de Sumenep, le poisson est quotidiennement au menu. Sous une forme ou une autre, il est toujours présent dans toutes les cuisines comme source habituelle de protéines.
Dans les activités après capture, le poisson est traité selon diverses méthodes artisanales. Cela est dû au manque d’équipement frigorifique dans la chaîne d’approvisionnement en zone rurale. Ces pratiques se sont maintenues depuis des décennies grâce au savoir-faire des populations locales. Prenons l’exemple d’une commerçante qui vend des produits alimentaires, qui circule à motocyclette chaque jour, du lever du soleil à midi. Elle n’a jamais de poisson frais, trop périssable dans un climat tropical. Le poisson frais n’est pas facile à conserver, à cause d’un environnement où il se détériore en quelques heures, à cause du manque d’équipement de réfrigération. Pour exercer son métier dans ces conditions, elle utilise des méthodes particulières pour chaque type de poisson qu’elle propose.
Techniques traditionnelles
Cinq préparations sont très demandées dans le marché local ici. Tout d’abord, le fameux pindang. Ce terme désigne la façon de le cuire : les ingrédients sont bouillis dans du sel avec diverses épices. À noter qu’à Sumenep, le poisson pindang est habituellement cuit avec uniquement du sel. Mais comme le pindang est bien connu ailleurs aussi, il existe d’autres variantes à travers le pays. Ces techniques font partie de la tradition dans les populations de Java et Sumatra, où on trouve une variété de préparations dans les marchés traditionnels. Certains se servent de pelures d’échalotes, de feuilles de goyaves, de teck ou de thé, ou autres espèces communes de l’Asie du Sud-Est. Cela donne à la sauce une couleur variant entre le jaune et le brun. Cela permet également au poisson de se conserver plus longtemps que le poisson bouilli sans garniture.
Au marché local de Sumenep, on trouve habituellement des femmes qui vendent du pindang dans leurs paniers. C’est généralement de la bonite ou du maquereau de diverses tailles. Les endroits où l’on prépare le pindang sont dispersés à travers la ville, certains dans les secteurs nord (Pasongsongan, Slopeng, Ambunten, Dungkek). Des ateliers ont commencé à s’installer à proximité des marchés traditionnels, par exemple l’échoppe située à Pasar Anom dans le centre de Sumenep. La plupart de ces commerçants cherchent à réduire leurs coûts de production et de distribution.
Les mères des secteurs ruraux de Sumenep sont de très bonnes clientes pour le pindang. Elles sont habituées au goût particulier de cette préparation. La recette la plus appréciée est appelée palappa koneng. En madurais, palappa signifie épices et koneng signifie jaune. Sothisdésigne desépices jaunes. Le poisson est bouilli avec divers condiments : ail, oignon, bancoulier, curcuma, piment, tamarin, poivre, gingembre, sel, sucre. Le Pindang ainsi assaisonné est ensuite frit juste avant d’être servi. Comme elles ne disposent pas de réfrigérateur ou refroidisseur, les femmes comptent sur les épices pour garder le poisson.
Pâte de poisson
Le second produit très demandé est une pâte de poisson appeléepetis. Elle est faite à partir de sous-produits de poissons, moules ou crevettes qui sont chauffés jusqu’à obtenir une sauce épaisse. À Sumenep, les petis proviennent de la soupe restant après la cuisson du pindang. Ces produits ont diverses formes et saveurs. Les petis confectionnés à Madura sont caractéristiques : salés, brillants et bruns-rouges. Une bonne partie provient de Pasean, Pasongsongan et Ambunten, principaux secteurs où l’on trouve des échoppes à pindang.
Les Petis sont souvent servis avec une sauce pimentée, qui accompagne aussi le riz, le poisson frit, le tofu frit et divers légumes (concombre haché, pousses…). Ils sont généralement vendus dans des marchés traditionnels ou par des commerçants itinérants qui passent dans les villages. Pour les petits sacs, les petis se vendent à des prix bas abordables. Les gens du lieu pensent que ce produit a donné à la nourriture de Sumenep une identité particulière qui la distingue des autres aliments du Java oriental.
Le troisième produit également très demandé est le poisson fumé. Le fumage est une autre technique artisanale à Sumenep. Le poisson subit ce processus dès qu’il est débarqué. Ce sont généralement les femmes qui s’en occupent. Ensemble, elles brulent des épis de maïs et des fibres de noix de coco. La fumée qui se dégage donne un arôme spécial au poisson. Et la chaleur donne au poisson frais une coloration noire brillante. La fumée assure une cuisson lente qui facilite la conservation du poisson sans réfrigération.
Le séchage au soleil et le salage sont également très employés. Dans les deux cas, le séchage est le même, du sel de mer étant ajouté dans le second cas. Le travail est exécuté en grande partie par des femmes. Elles se chargent du nettoyage et du séchage du poisson, effectuent le salage, préparent le conditionnement pour la vente en vrac. Le plus souvent, elles sont à la tâche dans des conditions lamentables, et gagnent très peu. Le prix de vente du poisson séché varie selon sa taille et sa qualité. À Sumenep et dans les zones rurales adjacentes, ce produit est abordable. Les gens qui ont des poches plus profondes ne l’estiment guère.
Demande extérieure
La filière du poisson séché de Sumenep est bien connue au Java oriental ; ses produits sont expédiés vers beaucoup d’endroits de l’Indonésie. Les plus chers se destinent à l’exportation ; les moins chers sont écoulés sur les marchés locaux. Comme le poisson séché contient plus d’os que la viande, les consommateurs plus aisés ont tendance à s’en détourner.
Au marché de Gapura, district de Gapura, régence de Sumenep. À cause du manque de réfrigération, on utilise diverses méthodes traditionnelles pour conserver le poisson.
Ces pratiques se sont maintenues depuis des décennies grâce au savoir-faire des populations locales.
... Comme il dure plus longtemps, le poisson séché est la nourriture de base quand les temps sont durs, quand l’autre poisson est trop cher.
Pour plus d’information
https://edepot.wur.nl/238229
Le secteur des produits de la mer en Indonésie : analyse de la chaîne de valeur
http://www.gbgindonesia.com/en/agriculture/article/2014/indonesia_s_aquaculture_and_fisheries_sector.php
Le secteur de l’aquaculture et des pêches de l’Indonésie