Compte-rendu / DIRECTIVES PÊCHE ARTISANALE
La pêche est affaire sérieuse
Un atelier pour traiter des problèmes des gens de la pêche aux Caraïbes : moyens de subsistance, organisation
Ce compte-rendu a été écrit par Mitchell Lay (mitchlay@yahoo.co.uk) et Nadine Nembhard (nadine_nem@yahoo.com), du Réseau des organisations de pêcheurs des Caraïbes (CNFO), et Patrick McConney (patrick.mcconney@gmail.com), du Centre de gestion des ressources et d’études sur l’environnement (CERMES)
La pêche est une affaire sérieuse aux Caraïbes. Elle occupe un précieux espace marin et côtier à côté du tourisme. On la voit souvent dans les images culturelles et touristiques que présente la publicité sur les écrans et dans des magazines sur beau papier. Le homard, le strombe géant, la crevette, le thon sont une source majeure de devises, et contribuent aussi bien sûr à la sécurité alimentaire de plusieurs pays de la région.
Dans des zones de mangrove, d’herbiers et de récifs coralliens, des aires marines protégées (AMP) regroupent des activités de pêche, de tourisme et de préservation de la biodiversité. Ces aspects et bien d’autres ont été abordés au cours de la 67ème Conférence de l’Institut des pêches du Golfe du Mexique et des...
Compte-rendu / DIRECTIVES PÊCHE ARTISANALE
La pêche est affaire sérieuse
Un atelier pour traiter des problèmes des gens de la pêche aux Caraïbes : moyens de subsistance, organisation
Ce compte-rendu a été écrit par Mitchell Lay (mitchlay@yahoo.co.uk) et Nadine Nembhard (nadine_nem@yahoo.com), du Réseau des organisations de pêcheurs des Caraïbes (CNFO), et Patrick McConney (patrick.mcconney@gmail.com), du Centre de gestion des ressources et d’études sur l’environnement (CERMES)
La pêche est une affaire sérieuse aux Caraïbes. Elle occupe un précieux espace marin et côtier à côté du tourisme. On la voit souvent dans les images culturelles et touristiques que présente la publicité sur les écrans et dans des magazines sur beau papier. Le homard, le strombe géant, la crevette, le thon sont une source majeure de devises, et contribuent aussi bien sûr à la sécurité alimentaire de plusieurs pays de la région.
Dans des zones de mangrove, d’herbiers et de récifs coralliens, des aires marines protégées (AMP) regroupent des activités de pêche, de tourisme et de préservation de la biodiversité. Ces aspects et bien d’autres ont été abordés au cours de la 67ème Conférence de l’Institut des pêches du Golfe du Mexique et des Caraïbes (GCFI) qui s’est tenue du 3 au 7 novembre 2014 à l’Université des West Indies (UWI), sur le campus de Cave Hill.
Le thème en était Petites îles, grands enjeux : appliquer les sciences de la pêche et de la mer pour résoudre les problèmes et créer des opportunités. L’Assemblée générale des Nations Unies a en effet désigné 2014 comme Année internationale des petits États insulaires en développement (PEID).
La Conférence a attiré plus de 200 personnes : pêcheurs, spécialistes et gestionnaires des pêches et des AMP, étudiants chercheurs, ONG impliquées dans l’environnement marin, organismes gouvernementaux et intergouvernementaux. Elles ont échangé des informations, se sont retrouvées autour de thèmes d’intérêt commun lors des diverses activités : exposés sur des travaux de recherche, ateliers spéciaux, session d’affichage, excursions sur le terrain, évènements sociaux. Il y avait là des pêcheurs venus de régions de langue anglaise, française et néerlandaise, et qui ont tous participé activement.
Les pêcheurs parlent
Lors des précédentes réunions annuelles du CGFI, il y a eu un Forum des pêcheurs organisé par les pêcheurs, pour les pêcheurs. Celui de 2014 était organisé par l’Union nationale des organisations de pêcheurs de la Barbade (BARNUFO) sur le thème Les moyens de subsistance par la pêche : vivre pour le travail.
Cinq pêcheurs ont fait devant l’assemblée des exposés sur le sujet, suivis de débats. La présidente de la BANUFO, Vernel Nicolls, a parlé de la problématique de genre du point de vue des moyens d’existence dans la pêche, de son expérience à la tête d’une organisation de personnes de la Barbade (essentiellement des femmes) actives dans le secteur post capture.
Mitchell Lay, coordinateur du Réseau des organisations de pêcheurs des Caraïbes (CNFO), a expliqué l’importance de la qualité pour les produits de la mer. Nadine Nembhard, également du CNFO et coprésidente du Forum mondial des populations de pêcheurs (WFFP), a parlé de l’accès contrôlé en tant qu’outil de gestion.
Tyrsion Walters, qui est à la fois pêcheur er gardien d’une AMP, a proposé un point de vue sur les moyens de subsistance dans un sanctuaire de poissons à la Jamaïque. Claudio
González, un pêcheur primé, a parlé des moyens de vivre de la pêche en relation avec une AMP en République dominicaine. La table ronde qui a suivi a permis aux représentants du CGFI d’en apprendre plus sur les moyens de vivre de la pêche directement de la bouche des pêcheurs. Elle a aidé les scientifiques et d’autres à clarifier divers problèmes auxquels sont confrontés les pêcheurs de la région. Elle a souligné la nécessité d’un programme régional de pêcheurs ambassadeurs, avec des échanges concrets pour partager connaissances et expériences en matière de pratiques durables. Il a été demandé aux scientifiques et à d’autres d’appliquer les sciences de la mer pour améliorer les moyens d’existence des pêcheurs et les savoirs.
On a parlé aux délégués de l’initiative La pêche pour les pêcheurs du CGFI, qui comprend donc un programme d’ambassadeurs pour accroître l’influence des pêcheurs sur les politiques, et une reconnaissance régionale (le Prix commémoratif Gladding) pour des hommes et des femmes qui montrent la voie dans l’adoption de pratiques de pêche durables.
Parallèlement à la Conférence du CGFI, il y a eu un atelier de trois jours mené par la FAO sur le renforcement de l’organisation et de l’action collective dans la pêche pour la formulation d’un programme de développement des capacités. Parmi les 24 participants venus d’Afrique, d’Asie, d’Europe, des Amériques et des Caraïbes, il y avait des leaders de la pêche d’Antigua-et-Barbuda, des Bahamas, de la Barbade, de Belize et de la Jamaïque. Les spécialistes des pêches et les leaders de la profession ont discuté sur des études de cas concernant la Barbade, le Belize, le Brésil, le Costa Rica, le Timor oriental, l’Indonésie, la Norvège, la Tanzanie et les États-Unis.
Ils ont traité des difficultés et des opportunités qui accompagneront la mise en œuvre des Directives volontaires pour assurer une pêche durable dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté.
Il s’agissait de déterminer dans quelle mesure les organisations de pêcheurs pouvaient continuer à jouer un rôle de premier plan dans ces Directives, de quelles capacités elles ont besoin pour que leur implication dans le processus soit une réussite.
Un certain nombre de participants iront, avec ce qu’ils auront appris à cet atelier, jusqu’à un rassemblement FAO plus important à Rome en décembre afin de débattre du Programme mondial d’appui pour la mise en œuvre des Directives.
Au cours de l’atelier, les pêcheurs ont soulevé certains points critiques qui nécessiteront une attention particulière dans le processus d’application des Directives, et de la part des diverses parties prenantes des pêcheries des Caraïbes :
- Les organisations de pêcheurs ont souvent besoin d’un appui extérieur pour s’organiser, lancer une action collective. Les agences extérieures concernées ne devraient pas en profiter pour procéder à des cooptations, pour exercer des contraintes.
- En favorisant les réussites économiques et des moyens de subsistance durables, on incite puissamment à établir et maintenir des organisations de pêcheurs solides et viables, qui ont un vrai potentiel de développement.
- Une législation favorable à l’organisation, un soutien actif du gouvernement, un partenariat de sa part sont des éléments qui créent un environnement propice pour une meilleure organisation des pêcheurs.
- Pour que les partenariats soient durables, il importe de respecter les pratiques traditionnelles de gestion, la culture, les valeurs, les normes locales. Il faut faire évoluer les choses, sans trop faire pression.
- En l’absence de responsables visionnaires et compétents, les pêcheurs semblent réagir essentiellement à des crises ou à ce qui est perçu comme une crise. Un bon leadership est indispensable pour faciliter l’organisation et l’action collective.
- Le développement des capacités met en jeu diverses dimensions et composantes : une vision du monde, des réseaux, une culture organisationnelle, des stratégies d’adaptation, des compétences, des connaissances, des biens d’équipement, des finances.
- Le développement des capacités doit être envisagé comme un processus continu sur le long terme pour qu’une durabilité organisationnelle s’installe. Les pêcheurs devront établir des institutions d’apprentissage social.
- Éducation et sensibilisation du public, plaidoyer, travail de proximité et autres formes de communication adaptées au contexte culturel sont autant d’actions qui donneront aux gens de la pêche artisanale une bonne connaissance des dossiers pour pouvoir peser sur les politiques de pêche.
Au cours d’une visite d’une demi-journée sur le terrain, une cinquantaine de personnes de l’atelier et de la conférence ont pu se faire une idée du secteur de la pêche à la Barbade, établir des contacts informels entre elles ou avec des pêcheurs locaux lors de trois arrêts.
Il y a eu une première étape dans le principal port de pêche commerciale, puis dans un charmant site de débarquement qui illustre bien les possibilités d’un développement parallèle d’activités touristiques, enfin dans un autre secteur rural où les pêcheurs ont élaboré leur propre code pour une pêche durable inspiré du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO.
Dans ce dernier endroit, les gens du coin ont proposé aux visiteurs un divertissement, avec de délicieuses préparations de produits de la mer pour montrer comment on peut valoriser ces denrées au niveau des ménages.
Parallèlement à cette 67ème Conférence du CGFI, il y avait l’atelier de la FAO sur les AMP considérées comme un outil de gestion potentiel pour des pêches responsables dans les Caraïbes. Une cinquantaine de personnes y participaient, parmi lesquelles plusieurs pêcheurs. La conversation s’est écartée du thème premier de la conservation de la biodiversité pour accorder davantage d’attention à la durabilité des pêcheries et des moyens de subsistance.
Comme il y a près de 30 pays et territoires dans la mer des Caraïbes ou son pourtour, il est assez difficile pour les pêcheurs et d’autres de suivre tout ce qui se passe dans la région. Cet atelier a été une excellente occasion pour faire le point sur des difficultés qui subsistent : politiques et pratiques des AMP par rapport aux pêcheurs, conformité et mise en application, financement durable, changement climatique, risques naturels, moyens d’existence, implication des parties prenantes…
Les participants ont travaillé en petits groupes pour débattre de certains de ces aspects et suggérer des façons d’améliorer les relations entre les pêcheurs et les AMP pour atteindre un ensemble d’objectifs : préservation de la biodiversité, moyens d’existence durables, sécurité alimentaire, et d’autres éléments du bien-être humain.
Pour plus d’information
www.cavehill.uwi.edu/cermes/default.aspx
Centre de gestion des ressources et d’études de l’environnement
www.cirp.org.tt/cnfo/
Réseau des organisations de pêcheurs des Caraïbes