Document : Rio+20
Verte, bleue et vraie
Voici la contribution de l'ICSF au Document de compilation de la Conférence des Nations unies sur le développement durable
Ce texte est une contribution de l'ICSF (icsf@icsf.net) au Document de compilation de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20)
1. Introduction
1. Le Collectif international d'appui à la pêche artisanale (ICSF) accueille favorablement l'objectif de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20) visant à susciter un engagement politique renouvelé en faveur du développement durable. Nous nous réjouissons de l'attention qu'elle va porter à « l'économie verte dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté » et à « une structure institutionnelle qui favorise le développement durable ». Nous considérons que cette économie verte intègre les trois piliers du développement durable : économique, environnemental et social. En matière de ressources marines, nous supposons qu'elle inclut également l'économie bleue, c'est-à-dire la répartition durable et équitable des ressources océaniques.
2. L'ICSF déplore que, depuis la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de 1992,...
Document : Rio+20
Verte, bleue et vraie
Voici la contribution de l'ICSF au Document de compilation de la Conférence des Nations unies sur le développement durable
Ce texte est une contribution de l'ICSF (icsf@icsf.net) au Document de compilation de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20)
1. Introduction
1. Le Collectif international d'appui à la pêche artisanale (ICSF) accueille favorablement l'objectif de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20) visant à susciter un engagement politique renouvelé en faveur du développement durable. Nous nous réjouissons de l'attention qu'elle va porter à « l'économie verte dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté » et à « une structure institutionnelle qui favorise le développement durable ». Nous considérons que cette économie verte intègre les trois piliers du développement durable : économique, environnemental et social. En matière de ressources marines, nous supposons qu'elle inclut également l'économie bleue, c'est-à-dire la répartition durable et équitable des ressources océaniques.
2. L'ICSF déplore que, depuis la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de 1992, le modèle de développement prédominent a reposé sur une conceptualisation très étroite du développement qui insiste sur la croissance industrielle au détriment des aspects sociaux et environnementaux du développement durable. De même, les valeurs économiques ont fini par dominer les débats relatifs à l'économie verte et bleue, en minimisant l'importance des valeurs sociales, culturelles et spirituelles inhérentes à la quête d'une société mondiale durable et équitable.
2. Résultats espérés pour Rio+20
2.1 Rio+20 devra défendre l'approche fondée sur les droits humains pour une pêche durable
3. Il faudra profiter de Rio+20 pour renforcer le pilier social du développement durable. Afin d'accélérer la progression sur ce front, les principes d'équité et de respect des droits humains devront être soutenus. Dans ce domaine, le secteur de la pêche devra bénéficier d'une attention particulière compte tenu de sa vulnérabilité du fait de la surexploitation des ressources, des conditions de travail dangereuses et des catastrophes naturelles. Les mesures de conservation et de gestion des pêches qui seraient oublieuses des aspects sociaux constitueraient autant d'obstacles sur le chemin d'une pêche durable et de « l’économie verte dans le cadre du développement durable et de l’élimination de la pauvreté » (acronyme anglais : GESDPE).
4. Afin d'établir une meilleure parité entre les aspects économiques, environnementaux et sociaux d'une pêche durable, Rio+20 devrait soutenir les pêcheurs et autres travailleurs et travailleuses de la pêche (y compris les peuples autochtones dépendants de cette activité) pour que leurs droits soient pleinement respectés dans le contexte du développement, de l'exploitation et de la gestion des biens et services fournis par les écosystèmes aquatiques (continentaux ou maritimes, riverains ou côtiers).
5. Afin d'améliorer les conditions de travail et la sécurité dans la pêche, et pour assurer une protection sociale dans ce secteur, Rio+20 devra demander à tous les États de ratifier la Convention de l'OIT sur le travail dans la pêche (2007), laquelle présente un intérêt direct pour les pêcheurs embarqués et pour promouvoir durablement des emplois décents. Rio+20 devrait par ailleurs contribuer à corriger les lacunes et à faire en sorte que d'importantes dispositions de textes internationaux consécutifs au Sommet de la Terre (Convention sur la diversité biologique, Accord des Nations unies sur les stocks de poissons, Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO) profitent effectivement aux pêcheurs, travailleurs et travailleuses de ce secteur, aux communautés de pêche en général.
2.2 Rio+20 devrait faire pression pour que soient respectées les obligations de la gouvernance des pêches
6. Dans de nombreuses régions du monde, pour ce qui concerne les pêcheries dans le cadre des juridictions nationales, les problèmes environnementaux et sociaux identifiés par l'Agenda 21 (surpêche locale, incursions illicites de flottilles étrangères, dégradation d'écosystèmes, surnombre de navires, manque de sélectivité des engins de capture, concurrence croissante entre pêche artisanale et pêche industrielle et entre la pêche et d'autres activités) restent toujours sans réponse. Le pourcentage de stocks de poissons pleinement exploités, surexploités, épuisés ou en phase de reconstitution a atteint le plus haut niveau enregistré depuis le milieu des années 1970. Cela se produit malgré la ratification par de nombreux États de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982), l'Accord des Nations unies sur les stocks de poissons (1995), malgré l'adoption de législations et de politiques conformes au Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO (1995). Les droits traditionnels et coutumiers continuent d'être menacés. Rio+20 devrait tenter d'obtenir des États qu'ils respectent leurs engagements juridiques, notamment en matière d'exploitation durable des ressources halieutiques.
7. Il est plus qu'évident que les obligations internationales sont mal respectées : pour preuve la malheureuse gouvernance des ressources naturelles. Bien que reconnue comme un facteur essentiel du développement durable (comme il apparaît en particulier dans le Consensus de Monterrey adopté par la Conférence internationale sur le financement du développement en 2002), la bonne gouvernance reste un objectif bien difficile à atteindre en de nombreuses parties du monde.
8. Dans le contexte de l'économie verte, pour ce qui est de la pêche, il faudrait un effort concerté de réduction des capacités et de l'effort, et aussi des programmes d'optimisation énergétique. À cet égard, on devrait procéder à l'interdiction, suivant un calendrier bien établi, de méthodes de pêche destructrices et à fort niveau d'intrants externes comme le chalutage de fond. Dans le choix du mode le plus adapté à une exploitation durable des ressources halieutiques, on fera appel à des navires plus importants uniquement lorsque toutes les possibilités d'utilisation de navires plus modestes auront été épuisées. Dans cette démarche qu'on peut qualifier de subsidiarité d'échelle, on tiendra en même temps dûment compte de la sécurité des opérations de pêche, de la sécurité et des conditions de travail des pêcheurs embarqués.
9. Rio +20 devrait accorder une plus grande attention aux questions de gouvernance à tous les niveaux : local, national, régional, international. Et il faudrait promouvoir des structures de gouvernance adaptées aux contextes particuliers et au sein desquelles gouvernements, communautés, pêcheurs, société civile, travailleurs de la pêche et groupes autochtones pourront collaborer pour une bonne conservation et gestion de la pêche. Les États devraient aussi aider financièrement la formation de comités locaux, de coopératives et de syndicats, et inciter les associations traditionnelles et les conseils autochtones à participer activement à la gouvernance de la pêche en vue de renforcer les assises et piliers du développement durable.
10. Rio +20 devrait encourager une meilleure reconnaissance des droits collectifs dans la gestion des pêches, les régimes de gestion communautaire notamment. Rio +20 devrait décourager la privatisation des ressources halieutiques introduite par une gestion des quotas et d'autres systèmes qui confèrent des droits de propriété à des particuliers ; car cela saperait le pilier social du développement durable, lequel constitue un élément déterminant pour le succès du développement durable, en particulier dans des économies reposant sur des pêcheries multi-espèces et une main- d'œuvre excédentaire entièrement dépendante de la pêche pour sa subsistance.
11. En soutenant les aires protégées et les réserves marines pour stopper la pression de la surpêche, la destruction de l'habitat et assurer la conservation de la biodiversité, il importe d'adopter de telles mesures dans le cadre d'une utilisation durable des ressources vivantes qui intègre les principes fondamentaux de la justice environnementale, la justice sociale et les droits humains en consultation avec les utilisateurs de ces ressources, en particulier les communautés traditionnelles et autochtones pratiquant une pêche à petite échelle et artisanale.
2.3 Rio +20 devrait reconnaître les formes durables des pêches artisanales et à petite échelle
12. En matière de pêche durable, les pêches artisanales et à petite échelle sont plus durables et équitables et sont reconnues comme étant un système à faible niveau d'intrants. Rio +20 peut donc solliciter l'appui des États pour faire en sorte que la croissance future de la production des pêches de capture provienne de l'amélioration de pêcheries artisanales qui ne nuisent pas à la santé des écosystèmes, qui respectent les limites écologiques et assurent une répartition équitable des avantages. Dans le contexte de l'économie verte et bleue, les pêches artisanales et à petite échelle peuvent apporter une contribution significative au développement durable, particulièrement dans les économies halieutiques disposant d'une main-d'œuvre excédentaire, en maintenant les moyens de subsistance, la qualité de la vie et la culture des communautés de pêche côtière et intérieure et des peuples autochtones. Les pêches artisanales et à petite échelle peuvent aussi être considérées comme un vecteur de choix pour parvenir à éradiquer la pauvreté, à assurer la sécurité alimentaire, pour promouvoir un accès aux ressources pour les femmes et les groupes marginalisés.
13. L'Agenda 21, l'Accord des Nations unies sur les stocks de poissons et le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO (1995) ont reconnu l'importance d'une protection des droits des pêcheurs et autres travailleurs et travailleuses pratiquant une pêche de subsistance, à petite échelle et artisanale afin de leur offrir un moyen d'existence sûr et équitable. Rio +20 devrait souligner à nouveau l'importance de la pêche à petite échelle et artisanale pour les collectivités côtières et pour une utilisation durable des ressources halieutiques, comme cela a été reconnu dans ces instruments, mais a été négligé dans le Plan d'application de Johannesburg.
14. Il convient de s'assurer que les piliers du développement durable tirent des éléments à la fois des instruments juridiques et des initiatives menées par la société civile. À cet égard, Rio +20 devrait s'appuyer sur des éléments de développement durable évoqués dans des déclarations de la société civile, notamment la Déclaration de Bangkok sur la pêche artisanale (2008) et le Programme d'action commun issu de l'atelier organisé par l'ICSF en 2010 à Mahabalipuram, Inde, afin de définir un agenda sur les questions de genre pour soutenir la vie et les moyens de subsistance dans les communautés de pêche.
15. Les Directives volontaires pour garantir des pêches artisanales durables (DV-PAD) que prépare la FAO doivent être considérées comme une occasion de compléter le Code de conduite pour une pêche responsable, notamment pour construire des ponts entre l'utilisation durable des ressources halieutiques et les droits humains, tels qu'exprimés dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et d'autres instruments juridiques pertinents. Rio +20 devrait encourager les États à participer activement au processus d'élaboration des DV-PAD dans l'intérêt des petits pêcheurs et des communautés de pêche.
2.4 Rio +20 devrait promouvoir la sécurité alimentaire des pauvres
16. Rio +20 devrait reconnaître l'intérêt des petites espèces de poissons autochtones pour la sécurité nutritionnelle dans divers pays asiatiques, en particulier pour remédier aux carences en micronutriments de l'alimentation des pauvres. À cet égard, il faudrait encourager la conservation et la protection dans la nature de ces espèces riches en micronutriments. Il faudrait également reconnaître l'intérêt des connaissances traditionnelles relatives aux aspects nutritionnels et thérapeutiques de l'alimentation populaire à base de poissons.
2.5 Rio +20 devrait promouvoir l'aquaculture extensive et extensive améliorée
17. Dans les efforts d'encouragement de la production aquacole pour « une économie verte dans le cadre du développement durable et de l’élimination de la pauvreté » (acronyme anglais : GESDPE), on devrait accorder la priorité aux espèces herbivores dans les systèmes d'aquaculture extensive et extensive améliorée. La sécurité alimentaire locale et domestique devrait constituer l'objectif primordial du développement aquacole. Une attention particulière devrait être accordée au développement de systèmes qui utilisent des espèces autochtones, en interdisant les systèmes qui reposent sur des espèces exotiques.
3. Points de vue sur la mise en œuvre
18. Rio +20 devrait, entre autres, élaborer des plans de mise en œuvre, fixer des objectifs, développer des indicateurs et établir des mécanismes de suivi afin de respecter les critères sociaux du développement durable, en particulier pour l'utilisation durable des ressources naturelles, dans la pêche notamment. Il devrait y avoir un suivi systématique de l'après Rio +20 à travers des sessions spéciales. Un organe de suivi indépendant pourrait être mis en place, avec une représentation des communautés autochtones et locales afin de veiller à ce que les fonds engagés pour atteindre les objectifs du développement durable dans l'environnement océanique soient utilisés d'une manière socialement juste. Il faudra aussi renforcer les capacités des institutions traditionnelles, locales et nationales ainsi que des organismes d'État en vue de mieux intégrer les trois piliers du développement durable : économique, environnemental et social. Des mécanismes de recours pourront être établis en cas de violation des droits humains des communautés autochtones et locales et d'autres utilisateurs légitimes des ressources naturelles au cours de la mise en œuvre des programmes de développement durable.